Meurtre en Anatolie - Missionnaires chrétiens et ultranationalisme turc

12 January 2011
Funeral of the German missionary Tilmann Geske at the Armenian cemetery of Malatya, 27 April 2007
Funeral of the German missionary Tilmann Geske at the Armenian cemetery of Malatya, 27 April 2007

La présente recherche a bénéficié du soutien de la Fondation Erste dans le cadre du projet d'ESI sur l'avenir de l'élargissement de l'UE. Les opinions exprimées ici sont celles d'ESI et n'engagent pas la Fondation Erste.

La traduction française de ce rapport a été soutenue financièrement
par l'Union européenne.

DISTRIBUTION

Les victimes (assassinées le 18 avril 2007)

Aydin Geske Yuksel
Aydin – Geske – Yuksel

Necati Aydin était originaire d'Izmir et s'était converti au catholicisme. Il avait déménagé à Malatya avec sa femme et leurs deux enfants en novembre 2003, et était devenu directeur général de la maison d'édition chrétienne Zirve. Depuis 2005, il était prêtre de la petite communauté protestante de Malatya.

Tilmann Geske, missionnaire allemand, avait travaillé comme pasteur d'une Eglise protestante non-conformiste en Allemagne. En 1997, il avait déménagé à Adana (sud de la Turquie) et en 2002 à Malatya (avec sa femme allemande et leurs trois enfants). Il enseignait l'anglais, travaillait comme traducteur, et prêchait pour la communauté locale.

Ugur Yuksel était originaire d'une famille alévie d'Elazig (une province à l'est de Malatya). Il avait étudié en Turquie occidentale (à Izmir) où il était rentré en contact avec la communauté protestante locale et s'était converti. Depuis 2005, il travaillait avec Necati Aydin pour la maison d'édition Zirve à Malatya.

Les principaux suspects (en procès depuis novembre 2007)

Gunaydin Aral
Gunaydin – Aral

Le 18 avril 2007, cinq hommes ont fait incursion dans les locaux de la maison d'édition chrétienne Zirve, et ils ont tué Necati Aydin, Ugur Yuksel et Tilmann Geske. Ils ont été arrêtés sur le champ.

Emre Gunaydin est le meneur présumé du groupe. Il est né en 1988 à Malatya. Selon les autres suspects, Emre Gunaydin avait des relations étroites avec la police de Malatya, et sa famille entretenait des liens avec plusieurs figures bien connues des milieux du crime organisé ultranationaliste.

Salih Gurler, Hamit Ceker et Cuma Ozdemir préparaient à l'époque l'examen d'entrée à l'université. Ils avaient rencontré Emre Gunaydin au début de l'année 2007 et ont prétendu que celui-ci les avait intimidés et menacés afin de les faire participer au crime. Abuzer Yildirim avait rencontré Emre en 2005. Avant le crime, il travaillait à la filature de coton de Malatya.

Varol Bulent Aral, qui s'est décrit lui-même comme un travailleur journalier sans argent, avait rencontré Emre Gunaydin en automne 2006. Ce dernier a témoigné qu'Aral lui avait parlé de la menace que constituent les activités des missionnaires, et l'avait assuré que s'il entreprenait quelque chose pour les arrêter, « nous te garantirons le soutien de l'Etat. » Le répertoire d'Aral contenait les différents numéros de téléphone de l'avocat ultranationaliste Kemal Kerincsiz (voir plus bas). En octobre 2010, deux témoins (Orhan Kartal et Erhan Ozen, voir plus bas) ont affirmé qu'Aral avait organisé le crime pour le compte du secret Service de renseignements pour la lutte contre le terrorisme de la gendarmerie (JITEM), et qu'il était en contact avec le fondateur présumé de JITEM, Veli Kucuk (voir plus bas).

Principaux témoins

Ruhi Abat est chercheur à la faculté de théologie de l'Université Inonu de Malatya. A partir de 2005, il a entrepris avec un groupe de chercheurs locaux des recherches sur les activités des missionnaires. Il était en contact étroit avec la gendarmerie de Malatya : la police a établi que 1415 appels téléphoniques avaient été échangés entre Ruhi Abat et la gendarmerie au cours des mois qui précédèrent le triple meurtre.

Metin Dogan est un détenu qui a déclaré au tribunal en 2008 que le chef de la section de Malatya des  Ulku Ocaklari, (mouvement ultranationaliste dont les membres sont également connu sous le nom de « Loups gris ») lui avait proposé de l'argent en 2005 pour tuer « tous ceux qui se trouvent à Zirve », la maison d'édition chrétienne. Un ancien député MHP (Parti de  l'Action nationaliste) de Malatya et un membre de l'armée auraient également été présents lorsque la proposition avait été faite. Metin Dogan a par la suite été condamné à de la prison pour avoir assassiné le meurtrier de son frère au cours d'un incident séparé, et prétend que le meurtre des missionnaires avait pour cette raison été confié à Emre Gunaydin. Dogan a aussi déclaré au tribunal qu'il connaissait bien ce dernier via l'Ulku Ocaklari.  

Orhan Kartal a rejoint l'organisation terroriste kurde PKK en 1990. Entre octobre et décembre 2008, il a partagé une cellule de prison avec Varol Bulent Aral (voir ci-dessus) à Adiyaman. Aral aurait dit à Kartal qu'il était « l'un des responsables de l'incident de la maison d'édition Zirve, et qu'il était en contact avec les membres de certains cercles étatiques, et notamment avec le chef de JITEM, Veli Kucuk (voir ci-dessous). »

Erhan Ozen, qui purge actuellement une peine de prison, a travaillé pour JITEM entre 1997 et 2005. Ozen a affirmé que l'opération de Malatya avait été organisée par JITEM « pour créer les conditions favorables à un coup d'Etat. » Il a aussi déclaré au tribunal que Varol Bulent Aral (voir ci-dessus) avait joué un rôle primordial et que tout avait été coordonné par trois militaires à la retraite, Veli Kucuk, Levent Ersoz, et Muzaffer Tekin (voir ci-dessous). Erhan Ozen a également témoigné lors du procès pour le meurtre de Hrant Dink en mai 2010. En cette occasion, il a affirmé avoir été au courant de plans pour assassiner Dink depuis 2004.

Veysel Sahin a été arrêté à Malatya en mai 2008, lorsque la police a trouvé des grenades et des explosifs à son domicile. C'est un ancien informateur de l'armée qui a pris plus tard la tête du bureau du principal parti politique turkmène d'Irak, le Front Turkmène Irakien (ITF), à Malatya. Il a affirmé avoir rencontré Mehmet Ulger (voir plus bas), le chef de la gendarmerie de Malatya, en mars 2006. Ulger voulait monopoliser la distribution de toutes les bibles afin de pouvoir contrôler qui le recevait, et il aurait demandé aux membres de la gendarmerie de menacer les maisons d'édition chrétiennes. Il aurait également mis Sahin en relation avec Dogu Perincek (voir plus bas), le chef de l'ultranationaliste IP (Parti des travailleurs), qui a plus tard été arrêté comme membre d'un réseau terroriste présumé, appelé Ergenekon, qui aurait planifié de renverser le gouvernement.[1]

Mehmet Ulger était le Commandant de la gendarmerie de Malatya entre janvier 2006 et juillet 2008. Il a été dénoncé par deux lettres anonymes. La première, lors de l'été 2007, a avancé que le crime avait été planifié par la gendarmerie et par le chercheur Ruhi Abat (voir ci-dessus). Ulger a confirmé avoir eu des contacts avec Abat en 2006. Une seconde lettre, très détaillée, envoyée en 2009 par un individu anonyme se présentant comme un agent de JITEM à Malatya a affirmé qu'Ulger savait que l'attaque devait avoir lieu, qu'il avait présenté un briefing au président du comité de supervision du quartier général de la gendarmerie quelques semaines avant le meurtre, « fournissant des rapports détaillés sur les gens qui seraient plus tard assassinés, ainsi que sur leurs activités », et qu'il avait personnellement confisqué la carte SIM de l'un des prévenus. Ulger a été arrêté à Ankara le 12 mars 2009, interrogé par un procureur d'Ergenekon, et puis relâché.  

Huseyin Yelki est un converti au catholicisme ; il a été baptisé en juin 2002. En 2009, il a été désigné par Emre Gunaydin comme l'un des instigateurs de l'attaque, aux côtés de Varol Bulent Aral. Emre Gunaydin a déclaré aux procureurs que « Yelki devait nous permettre de prendre la fuite, en nous donnant de l'argent. » Il s'est par la suite rétracté. Les poursuites ont été abandonnées.

Suspects d'Ergenekon avec des liens présumés à Malatya

Levent Ersoz est un brigadier général à la retraite. Il a servi comme commandant de la gendarmerie basé à Sirnak et Diyarbakir entre 2002 et 2004 et a également dirigé le service de renseignement de la gendarmerie. Personnage central de l'enquête sur Ergenekon, il a été arrêté en janvier 2009 et accusé d'avoir conspiré contre le gouvernement et d'avoir tenté de provoquer une révolte armée. Erhan Ozen (voir plus haut) l'a désigné comme l'un des instigateurs de l'attaque de Malatya, avec Veli Kucuk et Muzaffer Tekin.

Sener Eruygur est un général à la retraite et ancien chef de la gendarmerie turque d'août 2002 à août 2004. A ce poste, il a aussi été responsable des opérations de JITEM, que deux témoins ont accusé d'être derrière les meurtres. Une fois à la retraite, il est devenu président de l'ultranationaliste Association pour la pensée d'Ataturk (Ataturkcu Dusunce Dernegi) de 2007 à 2010. Il a été arrêté en 2008 et mis en examen pour avoir fomenté un coup d'Etat militaire en 2003/04, coordonnant les activités de groupes ultranationalistes de la société civile et de présidents d'université.

Fatih Hilmioglu était recteur de l'Université Inonu de Malatya de 2000 à 2008. Il a été arrêté le 13 avril 2009 et mis en examen lors de la troisième vague d'accusations liées à Ergenekon, pour avoir contribué à préparer le terrain en vue d'un coup d'Etat militaire sous l'autorité du chef de la gendarmerie, le général Sener Eruygur (voir plus haut). Hilmioglu était aussi un membre important de l'Association pour la pensée d'Atatürk, dirigée par Sener Eruygur après 2007. Le témoin Erhan Ozen (voir plus haut) a affirmé que Hilmioglu avait aidé à surveiller les activités des missionnaires à Malatya par des membres de l'université et qu'il était en contact avec Muzaffer Tekin (voir plus bas), le capitaine à la retraite de l'armée turque et suspect dans l'affaire Ergenekon.

Muzaffer Tekin est un capitane de l'armée de l'air turque à la retraite, et membre de l'ultranationaliste IP (voir ci-dessous). Il a été interpelé lors de la première vague d'arrestations liées à Ergenekon à cause de ses liens à Oktay Yildirim, qui avait dissimulé des grenades dans une maison à Umraniye (Istanbul). Yildirim et Oktay ont tous les deux été poursuivis pour, entre autres, organiser l'attaque contre le Conseil d'Etat à Ankara lors de laquelle un juge a été tué en 2006. Le témoin Erhan Ozen (voir plus haut) a affirmé en octobre 2010 que Tekin avait aussi organisé des actions prenant pour cible des membres de minorités et qu'il s'était souvent rendu à Malatya.

Veli Kucuk est un général de la gendarmerie à la retraite, et selon une mise en examen datant de 2008, l'un des fondateurs de JITEM. Kucuk a participé à de nombreuses manifestations antichrétiennes, y compris des manifestations contre le Patriarcat œcuménique et contre Hrant Dink entre 2005 et 2006. Il a été arrêté le 22 janvier 2008 dans le cadre de l'enquête sur Ergenekon et son procès se tient en ce moment à Istanbul. Il a longtemps été associé aux cercles ultranationalistes turcs. Le témoin Ozen (voir plus haut) a affirmé qu'il avait joué un rôle de premier plan dans l'organisation des meurtres de Malatya.

La campagne antichrétienne en Turquie (2001-2009)

Sinan Aygun est le directeur de la Chambre de commerce d'Ankara. Il est un opposant véhément du gouvernement, de l'Union européenne (UE) et du travail des missionnaires chrétiens, à propos desquels la Chambre de commerce a publié un rapport spécial. Aygun a été arrêté en juillet 2008 et accusé d'appartenir à un complot visant à renverser le gouvernement. La police a trouvé 2,500,000 euros à son domicile. L'argent aurait apparemment dû servir à financer les activités du réseau Ergenekon. Aygun était en contact avec Veli Kucuk (voir plus haut), le général de gendarmerie à la retraite supposé être l'un des fondateurs de JITEM. Il rendait régulièrement visite aux généraux importants, y compris celui qui dirigeait la gendarmerie, Sener Eruygur (voir plus haut).

Sevgi Erenerol est la porte-parole du Patriarcat orthodoxe turc, institution à la longue histoire d'activisme ultranationaliste qui n'est reconnue par aucune autre Eglise. L'« Eglise » que dirige sa famille, qui n'a pas de congrégation, a toujours été intensément hostile envers tous les autres chrétiens, y compris le Patriarcat grec orthodoxe. Au cours des dernières années, l'Eglise orthodoxe turque est devenue un lieu de rencontre pour de nombreux ultranationalistes ensuite poursuivis pour leur appartenance présumée au réseau Ergenekon. Aux côtés d'Ergun Poyraz (voir ci-dessous), Sevgi Erenerol a créé l'association ultranationaliste Ayasofya Dernegi (L'association Sainte-Sophie) en octobre 2006. Elle s'est souvent exprimée lors de conférences, avertissant que « les activités des missionnaires en Turquie poursuivent des objectifs qui vont au-delà de la religion. » Erenerol a également informé des membres haut gradés de l'armée au sujet de la « menace missionnaire » en 2006. Elle a été arrêtée en 2008 pour son appartenance au réseau présumé Ergenekon.

Kemal Kerincsiz était l'avocat d'Ergun Poyraz, et présidait l'ultranationaliste Grand syndicat des juristes (Buyuk Hukukcular Birligi) depuis sa fondation en avril 2006. Il est à l'origine de la plupart des procès entamés sur la base de l'Article 301 du Code pénal sur les atteintes à l'identité et à la nation turque, déposant des plaintes contre Orhan Pamuk (le Prix Nobel de littérature 2006), l'auteure Elif Safak, Hrant Dink, et d'autres. Il a également organisé des manifestations contre le Patriarcat œcuménique et les Turcs arméniens aux côtés d'autres accusés d'appartenir au réseau Ergenekon : Veli Kucuk, Muzaffer Tekin et Sevgi Erenorol (voir plus haut). Il a aussi dirigé la campagne judiciaire contre deux Turcs convertis au protestantisme, arrêtés en octobre 2006 et accusés de dénigrement public de l'identité turque et dont le procès a duré quatre ans. Kerincsiz a été arrêté en janvier 2008 et mis en examen pour son appartenance présumée au réseau terroriste Ergenekon. 

Tuncer Kilinc est un général à la retraite. Il était auparavant secrétaire général du Conseil de sécurité nationale (MGK) d'août 2001 à 2003. En 2001, un rapport préparé pour le compte du MGK avertissait que le véritable objectif des activités des missionnaires consistait à « diviser la Turquie ». Kilinc a plusieurs fois tenu des propos similaires en public. Lors d'un discours prononcé en 2002, il a accusé l'UE d'être « un club chrétien, une force néocoloniale, déterminée à diviser la Turquie. » Il a aussi participé à des réunions de l'Eglise orthodoxe turque. Sevgi Erenerol (voir plus haut) lui a rendu visite à Ankara. En janvier 2009, il a été mis en examen, dans le cadre de la troisième série de poursuites Ergenekon, pour avoir entretenu des liens avec des membres d'Ergenekon et avoir fourni des documents confidentiels à l'écrivain Ergun Poyraz (voir ci-dessous).

Ergun Poyraz est un écrivain ultranationaliste qui a publié « Six mois parmi les missionnaires » en 2001. Auteur à succès antichrétien, anti-AKP et anti-EU, il a été arrêté en 2007 pour ses liens avec le réseau présumé Ergenekon accusé de fomenter un complot contre le gouvernement. De nombreux documents militaires confidentiels ont été retrouvés à son domicile. Lors des perquisitions dans les bureaux d'IP à Izmir, un document indiquant qu'il était payé par JITEM a été retrouvé.

Les avocats des familles des victimes

CengizDogan
Cengiz – Dogan

Toute une équipe d'avocats de renom, spécialistes des droits de l'homme, a suivi le procès de Malatya pour le compte des familles des victimes. Deux des plus visibles et véhéments d'entre eux son Orhan Kemal Cengiz et Erdal Dogan. Cengiz, qui est basé à Ankara, est conseiller juridique pour l'Association protestante, ainsi qu'éditorialiste et co-fondateur d'Amnesty International en Turquie. En 2003, il a créé l'Association Human Rights Agenda (HRAA). Erdal Dogan, quant à lui, avocat d'Istanbul, a défendu Hrant Dink et sa famille pendant de nombreuses années. Parmi les autres avocats, on trouve Sezgin Tanrikulu, qui était auparavant basé à Diyarbakir, où il a défendu des Kurdes victimes d'atteintes aux droits de l'homme, ou encore Hafize Cobanoglu d'Izmir, Ergin Cinmen et Fethiye Cetin, qui ont représenté la famille Dink lors du procès pour l'assassinat de Hrant Dink.

Ankara (meurtre d'un juge  du Conseil d'Etat, mai 2006) 

Istanbul – Besiktas (procès pour l'assassinat de Hrant Dink, depuis le 2 juillet 2007)

Istanbul – Poyrazkoy (armes trouvées en avril 2009, liées aux accusations dans le Plan Cage) 

Istanbul – Sisli (assassinat de Hrant Dink au pied de son bureau, 19 janvier 2007)

Istanbul – Umraniye (armes trouvées en juin 2007, et début de l'enquête sur Ergenekon)

Izmir (ville d'origine de la victime Necati Aydin)

Malatya (meurtre des missionnaires, avril 2007)

Semdinli (décès de civils lors d'une opération de membres d'une unité de JITEM, novembre 2005)

Silivri (différents procès liés au réseau présumé Ergenekon et à des allégations de coup d'Etat depuis octobre 2008)

Susurluk (accident de voiture en novembre 1996, révélant les liens étroits entre les institutions de sécurité de l'Etat et le crime organisé en Turquie) 

Trabzon (meurtre du prêtre catholique Andrea Santoro, février 2006 ; ville d'origine de l'assassin de Hrant Dink) 

 

1. INTRODUCTION

En avril 2007, un triple meurtre particulièrement horrible a eu lieu dans la ville de Malatya en Anatolie centrale. Les victimes, torturées, poignardées et étranglées, étaient deux Turcs et un Allemand. Tous les trois étaient des missionnaires chrétiens protestants qui avaient récemment déménagé à Malatya. Cinq hommes jeunes, armés de couteaux et couverts de sang, ont été retrouvés sur les lieux du crime quelques instants après.

Ce qui a rendu les assassinats de Malatya différents des autres meurtres était le soupçon, présent dès le départ, qu'il ne s'agissait pas là d'une attaque isolée perpétrée par un groupe de jeunes nationalistes. A mesure que l'enquête a progressé, des questions sérieuses ont commencé à émerger, qui n'ont pas encore trouvé de réponse. Des éléments de l'Etat turc antigouvernementaux – ou, plus précisément, des réseaux secrets au sein de la gendarmerie turque et des militants ultranationalistes liés à ces réseaux – ont-ils été impliqués ? L'assassinat des missionnaires à Malatya était-il une opération organisée par l'« Etat profond » en Turquie visant à déstabiliser un gouvernement élu en prenant pour cible des « ennemis » chrétiens de la nation turque ?[2]

Telle a très certainement été l'impression de l'équipe d'avocats, véritable « who's who » des défenseurs les plus célèbres en matière de droits de l'homme, qui représentent les familles des victimes dans le cadre du procès de Malatya qui a commencé en novembre 2007. Depuis le début, ces avocats ont attiré l'attention sur les campagnes antichrétiennes et anti-missionnaires en Turquie qui recevaient le soutien d'un ensemble d'associations et d'auteurs ultranationalistes et qui ont gagné en intensité au cours de la période menant aux meurtres de Malatya. Les avocats ont également souligné le fait que les chrétiens assassinés avaient en réalité fait l'objet d'une étroite surveillance permanente de la part de la gendarmerie et que le principal suspect du crime, Emre Gunaydin, entretenait des contacts étroits avec la police. Ils ont aussi indiqué que la gendarmerie surveillait les activités des missionnaires en coopération étroite avec des chercheurs basés à l'Université Inonu de Malatya, dont le président était un nationaliste virulent, qui rencontrait souvent des dirigeants de l'armée turque.

Au cours du procès de Malatya, de nombreux autres liens ont émergé entre les assassins de Malatya et des ultranationalistes basés ailleurs en Turquie et qui ont depuis été arrêtés pour des complots visant à renverser le gouvernement, pour lesquels, selon les procureurs, ils avaient créé un réseau terroriste appelé Ergenekon.[3] Des témoins lors du procès Ergenekon ont établi un lien explicite entre les meurtres des missionnaires et cette institution notoire souvent décrite en Turquie au cours des années 1990 comme étant responsable d'une série d'assassinats mystérieux : le Service de renseignements de la gendarmerie pour la lutte contre le terrorisme (Jandarma Istihbarat ve Terorle Mucadele, ou JITEM), tenu secret, ainsi qu'avec l'un de ses fondateurs présumés, le général de gendarmerie ultranationaliste à la retraite, Veli Kucuk. Celui-ci a lui-même joué un rôle majeur dans les campagnes antichrétiennes organisées à Istanbul qui ont précédé l'assassinat du journaliste turc arménien Hrant Dink.[4]

A Malatya et à Istanbul, les sections locales de l'organisation ultranationaliste de jeunesse, Ulku Ocaklari, dont les membres sont connus sous le nom des « Loups gris » avaient aussi organisé des manifestations contre les chrétiens. En 2008, Veli Kucuk et Levent Temiz, qui dirigeaient la section stambouliote d'Ulku Ocaklari, et qui avaient personnellement menacé le journaliste Hrant Dink, furent arrêtés et poursuivis pour leur appartenance présumée à Ergenekon.

Les avocats représentant les familles des victimes de Malatya ont également souligné des similitudes avec différentes attaques contre des chrétiens en 2006 et 2007. Hrant Dink a été assassiné à Istanbul au début de l'année 2007, peu de temps avant les meurtres de Malatya, par un autre jeune ultranationaliste qui était placé sous surveillance permanente de la gendarmerie et de la police. L'instigateur présumé du meurtre de Hrant Dink, Yasin Hayal, qui fait actuellement l'objet d'un procès, entretenait de nombreux liens avec la gendarmerie. Yasin Hayal a rendu des visites régulières à la branche de Trabzon du département de renseignement de la gendarmerie, dont le directeur aurait décrit Hayal comme « un garçon solide, bien sous tous rapports, [qui] fera du bon travail à l'avenir. »[5] Ce jugement fait abstraction du fait qu'en 2002, Yasin Hayal avait violemment battu un prêtre catholique dans l'église Sainte Marie de Trabzon, à tel point que ce dernier avait passé plusieurs jours dans le coma (en 2006, son successeur à Sainte Marie, l'Italien Andrea Santoro, fut tué par un autre jeune ultranationaliste). De plus, le beau-frère d'Hayal servait d'informateur pour la gendarmerie et avait averti ses supérieurs à Trabzon en 2006 que Hrant Dink serait assassiné[6].

Les avocats des familles des victimes de Malatya ont demandé dans une longue lettre envoyée à la Cour en avril 2010 à ce que le procès pour le meurtre des missionnaires soit joint aux procès Ergenekon. Ils faisaient aussi référence au Plan d'action de l'opération « Cage » (Kafes Operasyonu Eylem Plani), complot qui aurait été préparé par certaines factions de l'armée turque afin d'intimider et d'assassiner des non-musulmans en Turquie dans le but de créer une atmosphère de chaos. Le projet a été rendu public en 2009. La première phrase du document fait référence aux « opérations » tels les assassinats du père Santoro (à Trabzon en 2006), de Hrant Dink (en 2007) et les meurtres de Malatya[7]. Les juges de Malatya n'ont pas encore rendu de décision en réponse à cette requête.

Jusqu'à présent, trente audiences ont eu lieu dans le cadre du procès Malatya. Lors des plus récentes qui ont eu lieu en décembre 2010, un nouvel avocat de la défense qui représente les prévenus a une nouvelle fois accusé les chrétiens assassinés de « comploter pour éliminer notre religion, diviser notre pays, distribuer des pots de vins et soutenir financièrement des organisations terroristes. » Il a également tenté d'intimider des juges, hurlant que « ceci est un tribunal protestant »[8].  La prochaine audience doit avoir lieu le 20 janvier 2011. Etant donné la gravité des accusations, il est étonnant de voir le peu d'attention qui a été consacré au procès au cours des derniers mois dans les médias turcs et internationaux. Le procès de Malatya est une bonne entrée en matière pour tous ceux qui s'intéressent à la politique turque contemporaine, et qui veulent comprendre les procès spectaculaires qui plongent dans le monde trouble des associations ultranationalistes et examinent leurs liens avec différentes composantes de l'Etat.

2. PEUR DES CHRETIENS
a. Une vague de fanatisme ?

L'année 2006 a donné lieu à une série d'attaques apparemment portées au hasard contre des chrétiens à travers toute la Turquie. Le 8 janvier, Kamil Kiroglu, édile protestant d'Adana, a été battu par cinq hommes jeunes.[9] Le 5 février, un prêtre catholique italien, Andrea Santoro, a été abattu dans l'église Sainte Marie de Trabzon, au bord de la Mer noire, par un garçon de seize ans qui a crié « Allah est grand ! » (Allah-u-akbar)[10]. Quelques jours plus tard, un moine catholique a été attaqué à Izmir par un groupe de jeunes hommes qui ont menacé de le tuer[11]. Le 12 mars, Henri Leylek, un prêtre capucin, a été attaqué dans la ville méditerranéenne de Mersin[12]. Le 2 juillet, un prêtre catholique, Pierre Bruinessen, a été poignardé à Samsun[13]. En décembre, le prêtre de l'église Tepebasi d'Eskisehir a à son tour été agressé[14].

Il a semblé qu'une vague soudaine antichrétienne était apparue comme venant de nulle part et s'était emparée du pays – ce qui fut d'autant plus frappant que quelques mois seulement auparavant, en octobre 2005, la Turquie était enfin parvenue à ouvrir des négociations d'adhésion avec l'UE. La petite communauté chrétienne de Turquie a commencé à vivre dans un sentiment d'angoisse de plus en plus grand. « Nous ne sommes plus en sécurité ici », a déclaré le vicaire apostolique d'Anatolie, Luigi Padovese[15]. En novembre 2006, une ONG, le Minority Rights Group, a averti que « les chrétiens ont subi les effets de la montée de l'intolérance religieuse »[16]. Felix Korner, un jésuite allemand dépêché à Ankara par le Vatican pour encourager le dialogue entre chrétiens et musulmans, a pu noter que « le niveau élémentaire de sentiment antichrétien a augmenté. »[17]

Selon certains observateurs, basés en Turquie comme à l'étranger, cette vague de violence a reflété une montée de l'islamisme violent. Cette crainte a été renforcée par un autre incident terrible. Le 17 mai 2006, un avocat dénommé Alparslan Arslan[18] a fait irruption au sein du Conseil d'Etat (Danistay, tribunal administratif suprême en Turquie) à Ankara en criant « Je suis le soldat d'Allah, Allah est grand ! »[19] Arslan a tiré sur les juges qui siégeaient en chambre, tuant l'un d'entre eux. [20] Il a déclaré plus tard avoir été encouragé dans son geste par une décision de la Cour de février 2006, par laquelle les juges ont décidé de ne pas accorder d'avancement à une institutrice parce qu'elle portait le foulard en-dehors de l'école[21]. Le jour des obsèques du juge à Ankara, le 18 mai 2006, des dizaines de milliers de personnes ont défilé contre le gouvernement AKP, qu'elles accusaient d'encourager de telles attaques. Les présidents des cours les plus importantes (Cour constitutionnelle, Conseil d'Etat, Cour de Cassation), secondés par le président de l'Union des barreaux de Turquie et par les procureurs, ont manifesté devant le mausolée d'Ataturk. Des milliers de personnes ont pris part aux cortèges, chantant « La Turquie ne deviendra pas l'Iran, l'assassin, c'est le gouvernement », et « La Turquie est laïque et elle le restera »[22]. « Une balle qui visait la laïcité », a titré Milliyet, un quotidien turc[23]. En septembre 2006, Der Spiegel avançait que « un fossé profond est en train de s'ouvrir au sein de la société turque », entre une classe moyenne supérieure laïque et moderne et des « masses fanatiques ». Bien souvent, notait l'auteur, « une étincelle suffit à allumer le feu du fanatisme »[24].

En 2007, les choses se sont encore aggravées. Le 19 janvier, Hrant Dink, le fondateur et rédacteur en chef de l'hebdomadaire Agos, et partisan du rapprochement turco-arménien, a été assassiné devant son bureau dans le district de Sisli à Istanbul. Son assassin, à l'instar de celui du Père Andrea Santoro, était un jeune homme de seize ans originaire de la ville côtière de Trabzon, au bord de la Mer noire[25]. Ensuite, une autre attaque horrible perpétrée contre des chrétiens a eu lieu en avril 2007 dans la ville de Malatya, dans le centre de l'Anatolie[26].

Le 18 avril, autour de midi et demi, le graphiste Gokhan Talas est arrivé avec sa femme au bureau de Zirve, une maison d'édition chrétienne de Malatya, qu'il co-détenait avec un prêtre, Necati Aydin, et Ugur Yuksel, tous deux Turcs convertis au christianisme. Alors qu'ils tentaient de pénétrer dans le bâtiment, Talas et sa femme ont trouvé la serrure fermée de l'intérieur. Ils ont trouvé cela suspect et ont appelé la police. Arrivés sur les lieux, les agents sont entrés dans le bureau et ont trouvé trois hommes – Necati Aydin, Ugur Yuksel et un missionnaire allemand, Tilmann Ekkehart Geske – baignant dans une marre de sang, couverts de traces de blessure par arme blanche, la gorge tranchée, et les mains et les pieds attachés par de la corde. Geske et Aydin ont été déclarés morts sur les lieux du crime. Yuksel est décédé juste après son arrivée à l'hôpital.

La police n'a pas eu à aller très loin pour trouver des suspects. Trois hommes jeunes, Hamit Ceker, Salih Gurler, et Cuma Ozdemir, ont été appréhendés sur les lieux mêmes, couverts de sang. Abuzer Yildirim a été attrappé sur un balcon un étage plus bas alors qu'il tentait de s'enfuir. Un cinquième homme, Emre Gunaydin, était tombé du troisième étage et gisait blessé sur le trottoir devant le bâtiment[27]. Il est apparu qu'Emre Gunaydin était le meneur du groupe. Tous les suspects avaient entre dix-neuf et vingt ans.

Les meurtres de Malatya ont choqué la nation entière. S'agissait-il là d'une nouvelle affaire de fanatisme religieux ? A première vue, cela sembla être le cas[28]. Le spécialiste britannique de la Turquie, Gareth Jenkins, a décrit en 2009 l'affaire de Malatya comme « le meurtre particulièrement brutal de trois missionnaires chrétiens par des jeunes « islamistes ». »[29] Un documentaire américain consacré aux meurtres a rapporté que Emre Gunaydin avait sommé Necati Aydin lors de leur rencontre fatale de répéter après lui qu' « il n'y a d'autre Dieu qu'Allah ». Selon le documentaire, c'est lorsque Aydin protesta de sa foi chrétienne que « la violence a explosé »[30]. Les cinq suspects ont laissé des notes identiques, apparemment écrites sous la dictée de Gunaydin[31] :

« Nous sommes frères. Nous allons vers la mort, et peut-être que nous ne reviendrons pas. Si nous mourons, nous mourrons en martyres, et ceux qui survivent devront s'aider les uns les autres. Priez pour nous. Nous sommes cinq frères. Nous allons vers la mort, et peut-être que nous ne reviendrons pas. »[32]
b. L'« armée missionnaire » de l'UE

En 1999, la Turquie avait obtenu le statut de candidat officiel de la part de l'UE en échange d'un engagement, entre autres choses, à mener à bien des réformes en matière de droits de l'homme. Cela signifiait aussi prendre des mesures pour améliorer la situation juridique de nombreuses minorités du pays, y compris la toute petite communauté chrétienne (qui compte moins de 150 000 personnes sur une population de plus de 72 millions), ainsi qu'accorder des droits culturels aux Kurdes et limiter le pouvoir des toutes puissantes forces armées turques.

Les minorités de Turquie ont longtemps été perçues par l'Etat, y compris l'établissement militaire, comme une menace potentielle contre l'unité nationale. Le Document sur la politique de sécurité nationale (MGSB) a été récemment diffusé par le Conseil de sécurité nationale (MGK)[33]. Au cours des années, chaque édition du MGSB a comporté une liste des ennemis intérieurs et extérieurs de l'Etat turc. Ceux-ci incluaient les Arméniens et les Grecs, sources traditionnelles de trouble et de soupçons ; les Kurdes, perçus comme menace séparatiste depuis le début de la République ; les gauchistes et les communistes, en particulier au cours de la Guerre froide ; et, après la chute du communisme, les islamistes et autres « réactionnaires » religieux. Tous ces ennemis de l'intérieur ont été décrits comme encore plus dangereux du fait de leurs soutiens externes : les Grecs citoyens turcs trouveraient ces soutiens en Grèce, les Arméniens au sein de leur diaspora, les Kurdes dans les pays limitrophes, les communistes en Union soviétique, et les islamistes en Iran. Ce n'est qu'avec la révision la plus récente du MGSB, adoptée en novembre 2010 et produite par le gouvernement lui-même, que la plupart des ennemis de l'intérieur ont été retirés de la liste[34].

Pendant des décennies, les protestants de Turquie n'ont pas été perçus comme une menace sérieuse par le MGK. Leur nombre est infime : environ 3000, sur une population de 72 millions. On compte bien plus de bouddhistes en Autriche (quelque 10400 pour une population de 8 millions) que de chrétiens protestants en Turquie[35]. La Turquie n'a pas non plus été une terre facile pour les missionnaires. Les statistiques fournies par les Témoins de Jéhovah indiquent les nombres suivants pour les baptêmes en 2008 : 643 en Grèce, plus de 3600 en Allemagne, plus de 6000 en Ukraine, pour seulement 91 en Turquie. Quelques douzaines de missionnaires et quelque 3000 protestants n'ont pas semblé être une inquiétude prioritaire pour l'établissement de sécurité turc – jusqu'en 2001.

En 2001, l'écrivain turc Ergun Poyraz a publié un livre intitulé Misyonerler Arasinda 6 ay [Six mois parmi les missionnaires], ouvrage qui expose les liens multiples prétendument tissés entre les ennemis de la Turquie. Selon Poyraz, les missionnaires représentaient une réelle menace pour son pays, d'autant plus qu'ils pouvaient bénéficier du soutien d'un pouvoir extérieur particulièrement dangereux : l'UE. Pour l'auteur, les réformes exigées par l'UE étaient en elles-mêmes source d'alarme. La première phrase de l'ouvrage est tout à fait claire : « Dans ce livre, je prends en compte le désir des missionnaires chrétiens et juifs de mettre la main sur les terres de notre pays… en poursuivant une croisade sans armes »[36]. Il s'agissait d'une croisade employant « des livres, des écoles, des hôpitaux, des films et toutes sortes de méthodes de propagande. Une grande armée missionnaire a envahi notre pays »[37]. Il est important de noter qu'en Turquie, les activités des missionnaires sont légales. 

Depuis les années 1990, Poyraz a publié des livres sur des sujets qui reflètent les préoccupations de l'établissement sécuritaire turc[38]. En 1998, son livre Refah'in Gercek Yuzu [Le vrai visage du Refah] a été utilisé au cours du procès contre le Parti de la prospérité (Refah Partisi), qui a abouti à l'interdiction du parti[39]. En 2007, à la veille d'une autre action en interdiction – cette fois-ci, à l'encontre de l'AKP au pouvoir – il a écrit Musa'nin Cocuklari: Tayyip ve Emine [Les Enfants de Moïse : Tayyip et Emine], un bestseller sur le Premier ministre Tayyip Erdogan et la supposée menace posée par son parti (et par sa femme, Emine, qui porte le foulard)[40]. Poyraz accuse notamment Erdogan et ses alliés conservateurs d'être des crypto-juifs entretenant des liens secrets avec les forces conspiratrices du « sionisme mondial »[41].

Dans son livre de 2001 sur les missionnaires, Poyraz tisse une histoire nationaliste familière : comment les missionnaires occidentaux ont poussé les Arméniens ottomans à se soulever contre les Turcs pendant le Première Guerre mondiale, comment, plus tard, au cours des années 1980, les missionnaires chrétiens ont à nouveau « tendu la main aux Kurdes et les ont incités à se rebeller. »[42] En ce qui concerne la cause qui a rendu les missionnaires si dangereux, Poyraz se fait explicite : « la raison principale pour laquelle les missionnaires ont reçu une liberté illimitée dans le cadre de leurs activités, c'est l'UE »[43]. Il ajoute : « Comme vous le savez, l'Occident n'a pas digéré que les Turcs aient conquis Istanbul et éliminé Byzance, parce qu'Istanbul et l'Anatolie sont des Terres saintes pour les chrétiens[44]. Dans les années 1920, note l'auteur, la Turquie a été dirigée par Ataturk pour se défendre contre les plans des puissances occidentales de diviser la Turquie avec le Traité de Sèvres[45]. Aujourd'hui, prévient Poyraz, les Turcs doivent se préparer à une nouvelle bataille anticoloniale. Il termine son livre par une menace :

« Je pense qu'il serait utile de rappeler aux missionnaires la chose suivante : cette terre a été turque depuis des milliers d'années. On a payé son prix avec du sang. Ceux qui rêvent de récupérer ces terres doivent savoir qu'ils devront payer ce prix. »[46]

L'analyse de Poyraz a été reprise en 2001 par le MGK, qui était à l'époque considéré par beaucoup comme l'institution la plus puissante du pays. Son secrétaire général était le général Tuncer Kilinc, qui comptait parmi les opposants les plus farouches des aspirations européennes de la Turquie, et qui a à plusieurs reprises accusé publiquement l'UE d'œuvrer à diviser la Turquie et de soutenir les terroristes kurdes à ces fins. En décembre 2001, un article publié dans le quotidien Sabah, titré « Alarme missionnaire », faisait référence à un rapport spécial préparé en vue d'une réunion du MGK:

« Les activités des missionnaires ont été placées sur l'ordre du jour de la réunion du MGK. Un rapport préparé pour le MGK a averti que le réel objectif de ces activités n'était pas la propagande religieuse mais visait plutôt la « division de la Turquie. » [Le rapport] soulignait que les mesures légales n'étaient pas suffisantes pour empêcher ces activités. [47]

Le rapport envoyé au MGK prétendait que huit millions de bibles avaient été distribuées gratuitement en Turquie au cours des trois années précédentes. Il soulignait en particulier le rôle dangereux joué par les maisons d'édition chrétiennes et leurs liens avec le PKK terroriste. « Bien que ces maisons d'édition aient publié des cartes séparatistes de la Turquie, rien n'a été fait à leur encontre », avançait le rapport. « Cette année seulement, dix-neuf églises ont ouvert leurs portes à Istanbul »[48]. Kilinc avertissait dans un discours de 2002 que l'UE était « un club chrétien, une force néo-colonialiste, bien décidée à diviser la Turquie »[49].

En décembre 2004, la Turquie a reçu une date pour le lancement des négociations d'adhésion à l'UE, qui devaient avoir lieu dans un an. La campagne d'une intensité non-renouvelée contre les missionnaires chrétiens a débuté avec cette annonce. En 2004, le livre de Poyraz a été réimprimé par une maison d'édition nationaliste[50]. La même année, la Chambre de commerce d'Ankara a publié son propre rapport sur les activités des missionnaires[51]. Sinan Aygun, qui dirige la Chambre de commerce depuis 1998, a mis en garde publiquement contre le fait que les réformes mises en avant par l'UE favorisaient les activités des missionnaires. Comme il l'a expliqué sur le site internet de la Chambre :

« La Turquie subit aujourd'hui les assauts des missionnaires. Dans la capitale Ankara, on en trouve à tous les coins de rue. Ils recrutent des sympathisants lors d'événements sociaux comme des pique-niques ou des invitations, et des activités éducatives telles que des services religieux, des écoles d'hiver, des séminaires ou des conférences… Ils emploient la religion comme une arme. De quoi d'autre ont-ils besoin ? Il y a un célèbre proverbe africain qui dit : « Lorsque les chrétiens sont arrivés en Afrique, les Africains possédaient leurs terres, et les chrétiens leur bible. Les chrétiens nous ont dit de prier avec les yeux fermés. Lorsque nous les avons rouverts, ils possédaient nos terres, et nous, leur bible. » Soyons attentifs afin de ne pas connaître une expérience similaire en Turquie. »[52]

Le rapport de la Chambre est rempli de détails d'une précision surprenante. Il note par exemple que quinze personnes ont rejoint l'Eglise Kurtulus d'Ankara en 2003, faisant passer le nombre de fidèles de la paroisse à cent trente.[53]

Ensuite, Ilker Cinar, un Turc converti au christianisme qui avait travaillé comme missionnaire en Turquie pendant plus de dix ans, ajouta sa voix au chorus. En 2005, il a tourné le dos au christianisme et, après avoir déclaré publiquement à quel point il était fantastique de revenir à la foi musulmane, il a expliqué à la télévision quelles étaient selon lui les véritables intentions des protestants de Turquie : les chrétiens voulaient « reconquérir la Terre Sainte » et travailler avec les Kurdes du PKK[54]. En 2005, il a publié un livre portant le titre « J'étais missionnaire, le code secret déchiffré – les révélations de l'ancien évêque Ilker Cinar » (Ben bir misyonerdim, sifre cozuldu – Eski Baspapaz Ilker Cinar anlatiyor). Il y a décrit comment les missionnaires tentaient de détruire la Turquie.

En 2007, Ergun Poyraz a été arrêté pour ses liens présumés à un groupe d'ultranationalistes qui avaient dissimulé des grenades à Istanbul et que les procureurs soupçonnaient d'avoir assassiné un juge à Ankara en 2006, tout en maquillant l'opération pour faire croire à une attaque islamiste (voir p. 4). Lorsque Poyraz a été capturé, la police a retrouvé un grand nombre de documents confidentiels à son domicile, contenant des informations qu'il avait utilisées pour ses livres[55]. Selon les documents originaux contenus dans l'acte d'accusation Ergenekon, il a également reçu de l'argent de JITEM. [56]. Le président de la Chambre de commerce d'Ankara, Sinan Aygun, a lui aussi été arrêté. Il avait été en contact étroit avec des suspects clés de l'affaire Ergenekon[57], comme Sener Eruygur, le chef de la gendarmerie qui aurait préparé un coup d'Etat militaire en 2003-04[58]. La police a retrouvé 2,500,000 euros en espèces au domicile d'Aygun, qui aurait servi, selon les procureurs, à financer les activités de ce réseau ultranationaliste[59].

L'ancien secrétaire général du MGK, antieuropéen notoire, Tuncer Kilinc, a également été arrêté en 2008, et mis en examen pour avoir appartenu au même réseau séditieux. Les procureurs ont découvert qu'il avait aussi participé à de nombreuses réunions d'autres conspirateurs antigouvernementaux et antichrétiens à l'Eglise orthodoxe turque d'Istanbul, où nombre des crimes commis plus tard auraient été discutés. Les membres de ce groupe avaient aussi joué un rôle central dans les virulentes campagnes antichrétiennes, en particulier à l'encontre du journaliste arménien Hrant Dink[60]

Enfin, il est apparu en 2008 qu'Ilker Cinar n'avait en fait jamais été un vrai converti. Il était toujours demeuré employé (et payé) par l'armée depuis 1992, tout en se faisant passer pour un pasteur protestant et en infiltrant la petite communauté protestante[61]. En fait, il est apparu de manière claire au cours des procès de Malatya que certains pans de l'Etat, et en particulier la gendarmerie, concevaient un intérêt intense pour les activités des missionnaires chrétiens, faisant de cette petite communauté l'un des groupes les plus étroitement surveillés du pays.

3. MALATYA
a. Les vies des missionnaires

Malatya est l'une des plus anciennes cités anatoliennes, fondée par les Hittites (1180-800 av. J.-C.). Elle s'étend sur une plaine fertile irriguée par un confluent de l'Euphrate, au pied du massif montagneux du Taurus[62]. La région est connue pour ses abricots : elle produit 95% des abricots secs de Turquie (et la Turquie est le premier producteur mondial de ce fruit). La ville a une population d'environ 400 000 personnes.

La vieille ville possède plusieurs sites historiques importants, dont une mosquée seldjoukide (Ulu Camii) construite sur des fondations arabes. Il y a également un caravansérail du XIIIe siècle. La ville compte en outre un long héritage chrétien. « Jusqu'aux années 1900, il y avait trente-trois églises arméniennes dans la province, dont dix en centre ville », a récemment rappelé un résident[63]. Il y avait également de nombreuses écoles arméniennes.[64] Après la Première Guerre mondiale et les déportations et massacres d'Arméniens, il ne restait presque plus de chrétiens à Malatya. Les quelques-uns qui restaient ont déménagé à Istanbul dans les années 1960. Parmi eux se trouvait Hrant Dink, né à Malatya en 1954. Au cours de la période où Dink a déménagé à Istanbul avec ses parents, en 1961, la présence chrétienne a Malatya s'est éteinte.

Cette situation a changé en 2002, lorsqu'un petit groupe de missionnaires étrangers est arrivé à Malatya et y a ouvert deux maisons d'éditions chrétiennes, Kayra et Zirve. Tilmann Geska, un citoyen allemand, a emménagé à Malatya en 2002 avec sa femme et leurs trois enfants. Il avait étudié la théologie en Allemagne. Il venait de Lindau, cité idyllique au bord du lac de Constance, où il partageait son temps entre un travail dans un entrepôt et ses obligations de pasteur à « Nouvelle Vie », une église protestante non-conformiste. C'est à l'église qu'il avait rencontré sa femme Susanne, qui avait pour sa part étudié pendant trois ans dans une école biblique en Suisse. Elle a rappelé plus tard avoir imposé plusieurs conditions lorsque Tilmann l'avait demandée en mariage :

« Tu veux m'épouser ? D'accord. Un futur mari potentiel doit satisfaire à trois critères. En premier lieu, il doit être chrétien. Ensuite, il doit avoir été chrétien depuis plus longtemps que moi. Et troisièmement, je veux aller vivre dans un pays musulman. »[65]

Tilmann a accepté. Avant de partir à l'étranger comme missionnaires, lui et sa femme ont suivi des cours en Grande Bretagne et en Allemagne. Tilmann a reçu une formation de professeur d'anglais certifié. En 1997, la jeune famille a déménagé à Adana, où Tilmann a créé une entreprise de traduction appelée « Silk Road » [La route de la soie]. Les Geske ont appris le turc. Comme Susanne Geske l'a plus tard raconté, leur ambition consistait à « atteindre l'inatteignable, de pousser toujours plus à l'est, et d'atteindre le cœur de la Turquie musulmane »[66]. Lorsqu'ils ont emménagé à Malatya avec leurs enfants en 2002, Suzanne a ressenti « un défi encore plus grand »[67]. Dès avant son arrivée, le couple a fait la une de la presse locale. Un missionnaire sud-africain qui était arrivé à Malatya plus tôt en 2002 pour s'occuper de la maison d'édition Kayra leur a déclaré :

« Félicitations ! Vous venez de faire la couverture d'un journal local…. C'est comme ça que l'on apprend ici que les chrétiens sont dangereux et qu'ils viennent à Malatya. »[68]

A Malatya, Tilmann a donné des cours d'anglais, fait des traductions et prêché pour une communauté protestante qui comptait entre 15 et 20 adultes[69].

Necati Aydin était un Turc converti au catholicisme originaire d'Izmir. Il avait déménagé à Malatya avec sa femme et leurs deux enfants en novembre 2003, pour devenir directeur général de la maison d'édition Zirve (qui avait aussi des bureaux à Istanbul, Ankara, Izmir et Van). Il s'était converti âpres être tombé amoureux de Semse, une chrétienne orthodoxe d'Antakya (l'ancienne Antioche) qui s'était elle-même convertie au protestantisme. Le missionnaire allemand Wolfgang Hade, qui avait épousé la sœur de Semse, a plus tard raconté la réaction de celle-ci lorsque Necati avait initialement exprimé des doutes sur l'idée de se convertir : « Elle a dit : "C'est fini ! J'ai parlé à Necati au téléphone et il m'a dit qu'il voulait rester musulman. Si Dieu ne le fait pas changer d'avis, notre histoire est terminée." »[70]

Le couple s'est marié en 1997. Un an plus tard, Necati a commencé à diriger un groupe de convertis à Izmir. Ce groupe, dont les réunions avaient lieu dans les deux étages inférieurs d'un immeuble d'habitation, a rencontré des problèmes avec les autorités. Un dimanche matin de septembre 1999, la plupart des chrétiens a ainsi été arrêtée par la police. Ils ont été relâchés le même soir. Le 1er mars 2000, Necati et un collègue à lui ont été arrêtés par la gendarmerie âpres avoir distribué des bibles et des documents chrétiens dans une petite ville près d'Izmir. Lorsque l'affaire a été portée devant les tribunaux, les témoins appelés par l'accusation ont tous retiré leurs témoignages, affirmant que « des gens de la gendarmerie leur avaient instamment demandé de faire de fausses déclarations » contre Necati et son collègue. Tous les deux ont finalement été libérés après avoir passé trente jours en prison[71].  

Les choses n'ont guère changé à la suite de l'arrivée de Necati à Malatya. Il a là encore été régulièrement arrêté par la gendarmerie alors qu'il distribuait de la littérature chrétienne dans les campagnes. En février 2005, le journal local Bakis a affirmé qu'il existait quarante-huit « églises à domicile » dans « tous les quartiers de la ville »[72]. Le 19 février 2005, le directeur de la maison d'édition Kayra a publié un communiqué qui disait : « Il y a un agitation ouverte contre les Chrétiens et les étrangers à Malatya. Malgré le fait qu'il n'existe aucune preuve que les Chrétiens vivant en Turquie soutiennent le séparatisme [kurde], ces accusations ne connaissent pas de fin. »[73]

Le 5 décembre 2005, un groupe de jeunes ultranationalistes a manifesté devant les bureaux d'une compagnie de transport qui avait livré une cargaison de bibles à Kayra. Un journal a écrit qu'un dénommé Burhan Coskun, président de la branche de Malatya d'Ulku Ocaklari a participé à la manifestation. Il est cité scandant: « Est-ce que nous vivons en Angleterre ? »[74] Les journaux locaux ont ajouté leur grain de sel. Une couverture annonçait ainsi : « C'est maintenant le tour de la représentation du Vatican », faisant allusion à la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II en 1981 perpétrée par Mehmet Ali Agca, lui-même originaire de Malatya et proche des Loups gris[75]. Les bureaux de Kayra ont fermé en 2005[76].

La troisième victime, Ugur Yuksel, avait emménagé à Malatya en 2005. Il était originaire d'une famille alévie de la province d'Elazig, non loin de Malatya. Il avait fait des études d'ingénieur dans l'ouest de la Turquie, où il s'était converti au Christianisme. Après que des problèmes financiers l'ont contraint d'abandonner ses études, il est retourné chez lui, où il a tenté de gagner sa vie en gérant un taxiphone. Pendant presque un an, il était « le seul chrétien dans la région, privé de toute communauté chrétienne, avec pas même un groupe de chrétiens avec qui il aurait pu prier et lire la bible ensemble »[77]. Ugur a par la suite déménagé à Malatya, où il a trouvé du travail à la maison d'édition Zirve. Wolfgang Hade décrit sa tristesse :

« Pendant très longtemps, il a eu envie de se marier. Mais il y avait sur sa route toute une série d'obstacles : l'argent, la religion, et l'accord des parents. Necati et Semse lui ont parfois dit en plaisantant : "Toi, tu te marieras au paradis." »[78]
b. Le monde d'Emre

Emre Gunaydin, le chef présumé du groupe accusé des meurtres, est né en 1988 à Malatya. Il a vécu avec son père, Mustapha, qui travaillait comme technicien à l'université de Malatya, et possédait par ailleurs un centre d'arts martiaux. Le père a plus tard déclaré à la cour :

« Je suis connu à Malatya pour mes vues ulkucu [ultranationalistes]. Toutefois, cette réputation est fondée sur mes positions de jeunesse. Je ne suis plus maintenant en lien avec quiconque. »[79]

Emre a terminé l'école en 2006. Il voulait devenir avocat. Après avoir par deux fois échoué à l'examen d'entrée très compétitif à l'université, il a grâce à son père trouvé une place dans une résidence privée pour étudiants originaires de l'extérieur de Malatya, afin de pouvoir préparer sa troisième tentative au concours[80]. Selon Mustafa Gunaydin, son fils lui aurait dit :

« Il y avait des étudiants avec de bonnes notes dans la résidence. S'il étudiait avec eux, ça pourrait être utile. C'est la raison pour laquelle je l'ai inscrit en janvier 2007 à la résidence de la Fondation Ihlas. C'est lui qui a choisi la résidence. Au bout d'un mois et demie ou deux moi, le directeur de la résidence m'a appelé et il m'a dit qu'Emre n'obéissait pas aux règles, qu'il faisait du bruit la nuit, qu'il allumait les lumières, et que je devais le retirer de la résidence, ce que j'ai fait. »[81]

Les trois autres suspects, Salih Gurler, Hamit Ceker et Cuma Ozdemir, vivaient dans la même résidence. Salih Gurler avait emménagé en décembre 2006, en provenance d'une petite ville située à environ 60 km de Malatya.[82] Hamit Ceker et Cuma Ozdemir venaient également de provinces voisines.[83]

Emre a plus tard déclaré aux enquêteurs qu'il avait entendu parler des activités des missionnaires pour la première fois au cours de l'automne 2006, lors d'un stage qu'il effectuait dans un journal local[84]. C'est là qu'il aurait rencontré un homme mystérieux, Bulent Varol Aral, qui n'a travaillé que quelques jours pour le journal. Emre a indiqué aux procureurs : 

« Il savait presque tout sur tout, il n'y avait pas de sujets sur lesquels il était ignorant… Il disait que le Christianisme et les activités des missionnaires étaient des choses mauvaises, et qu'elles étaient liées au PKK…. Il nous a expliqué que le Christianisme et les missionnaires avaient pour but de détruire le pays. Là, j'ai dit : "Quelqu'un doit dire : ‘Ca suffit !', et il a répondu : ‘Alors, vas-y, et dis-leur que ça suffit.' Lorsque j'ai demandé : ‘Et qu'est-ce qu'il va arriver ensuite ?', il a dit : ‘Ensuite, nous te garantissons l'appui de l'Etat.'" »[85]

Par la suite, Emre a contacté un site internet chrétien, selon ses déclarations aux procureurs, pour demander s'il y avait des chrétiens à Malatya. Il a laissé son numéro de téléphone portable. Quelques jours plus tard, il a été contacté par Necati Aydin[86]. Emre a commencé à rendre des visites fréquences à Necati, en prétendant contempler une possible conversion au christianisme. Ils se sont vus au bureau de Zirve en six occasions. Emre a plus tard indiqué aux enquêteurs quels étaient ses plans à l'époque : « Après enquête, j'ai déterminé qu'il devrait y avoir des mesures de rétorsion pour les choses qu'ils faisaient. J'ai alors eu l'idée de les prendre en otage et de les interroger sur leurs activités afin de recueillir de plus amples informations. »[87]

Emre a également commencé à discuter de ses plans de manière plus approfondie avec Salih, Hamit, et Cuma[88]. Comme Hamit l'a déclaré aux procureurs :

« Environ quatre mois [avant le meurtre d'avril 2007], Emre Gunaydin nous a appelés, Salih, Cuma et moi, et nous a fait venir dans la salle pour fumeurs de la résidence pour nous parler du développement des activités des missionnaires… C'est Emre qui a tout organisé, et nous avons mis en œuvre ses plans. »[89]

Abuzer Yildirim, seul suspect à ne pas avoir vécu dans la résidence, avait déjà rencontré Emre en 2005. Il travaillait à la filature de Malatya. Dans sa déposition, il indique :

 « Emre nous a dit que les activités des missionnaires étaient nombreuses et dangereuses, et que dans la seule Malatya il y avait cinquante églises et qu'ils avaient déjà racheté deux mosquées pour les convertir en églises. Si nous le les arrêtions pas, nous allions perdre notre religion et ils tueraient nos enfants. Ces mots ont eu une grande influence sur moi, ils m'ont rendu triste. Emre a dit qu'il projetait d'éliminer ceux qui travaillaient comme missionnaires dans notre pays, mais que ça, il le ferait plutôt tout seul. »[90]

Abuzer Yildirim a aussi déclaré aux procureurs qu'Emre avait fait clairement savoir que ses intentions étaient de tuer Wolfgang Hade, le missionnaire allemand, beau-frère de Necati, qui vivait dans l'ouest de la Turquie.

« Emre nous a dit qu'il voulait aller à Konya tuer Wolfgang, qu'il nous décrivait comme le meneur des activités des missionnaires en Turquie. Selon les déclarations d'Emre, les églises missionnaires étaient secrètement impliquées dans les activités terroristes et soutenaient le terrorisme. »[91]

La dernière rencontre d'Emre avec les membres de la communauté chrétienne de Malatya avant le meurtre a eu lieu à l'occasion des fêtes de Pâques dans l'hôtel Altin Kayisi (l'« abricot d'or ») le 8 avril 2007. Il a été reçu à la porte par Ugur Yuksel et Susanne, la femme de Tilmann. Quelques jours plus tard, il a acheté des gants, de la corde et trois armes à feu, et il a loué une voiture. Le 16 avril, Emre a rencontré Hamit, Salih et Abuzer dans le café Eftelya. Plusieurs d'entre eux ont aussi apporté des armes. Cuma Ozdemir a dit aux procureurs qu'il avait voulu se retirer :

« Avant la rencontre, j'ai lutté pour leur dire que je ne participerais pas et j'ai même tenté de les dissuader. Emre a violemment rejeté mes suggestions et a menacé de m'exécuter si j'osais partir. Il a aussi menacé de tuer des membres de ma famille, des proches et des connaissances. Il a menacé Hamit de la même manière. »[92]

Le 18 avril, un mercredi, Emre s'est levé de bonne heure. Plus tard, il a dit aux procureurs :

« A sept heures du matin le jour de l'incident, j'ai retrouvé Cuma, Hamit, Abuzer et Salih pour le petit-déjeuner à un café près de Zirve. Abuzer et moi sommes montés à Zirve, mais c'était fermé. Je me suis alors rendu au gymnase de mon père. Songeant que quelque chose pourrait nous arriver, j'ai dit : "Je vais écrire une lettre d'adieux à mes parents." Les amis ont aussi écrit quelque chose, ensuite, nous avons prié et nous sommes retournés à Zirve. Abuzer et mois sommes montés. Il avait un couteau et un pistolet, et moi un couteau. Nous avons sonné, quelqu'un a ouvert la porte. A l'intérieur, il y avait Necati, Ugur, et l'Allemand. »[93]
4. Le deroulement du proces
a. Une petite cellule terroriste ?

La première audience a eu lieu le 22 novembre 2007, dans une chambre remplie de monde du troisième tribunal pénal de Malatya. Le juge qui présidait siégeait sur une plateforme surélevée[94]. A ses côtés étaient assis les deux procureurs qui avaient préparé l'acte d'accusation, long de quarante pages, soumis le 5 octobre 2007.

Selon l'acte d'accusation, les victimes étaient mortes des suites de blessures graves causées par un objet contondant, qui avait perforé veines, artères et organes internes, et causé des saignements internes et externes. L'une des victimes, Necati Aydin, avait aussi était étranglé avec une corde[95].

Dans un premier lieu, sept personnes ont été mises en examen. L'acte d'accusation considère que les cinq principaux suspects formaient une « organisation terroriste armée »[96]. Tous les cinq – Emre, Salih, Hamit, Cuma et Abuzer – ont été poursuivis pour avoir « tué plus d'une personne dans le cadre des activités d'une organisation terroriste »[97]. De plus, Emre était accusé d'avoir été le meneur et le fondateur de l'organisation[98]. Les procureurs ont demandé une triple peine de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération anticipée et en isolement cellulaire pour chacun des cinq principaux suspects[99].

Les deux autres personnes poursuivies ont été mises en examen mais laissées en liberté. La première était Kursat Kocadag, qui avait caché une arme à feu pour Emre. Il devait au départ prendre part à l'assaut, mais, comme il l'a affirmé, il s'était retiré quatre mois avant les meurtres[100]. Dans sa déposition, Kocadag note qu'Emre disait aux gens que « ils [les chrétiens] projetaient de tuer trois enfants sur cinq et que lui [Emre] les tuerait après avoir appris à mes connaître mieux. Lorsqu'il m'a demandé si je voulais participer, j'ai dit non. »[101] Le septième accusé était Mehmet Gokce, qui devait apparemment copier le disque dur du bureau de Zirve. Kursat Kocadag et Mehmet Gokce ont tous les deux été poursuivis pour avoir soutenu une organisation terroriste[102].

Lors de la première audience, les sept prévenus étaient assis en face des juges, accompagnés des gendarmes. Les avocats de la défense étaient au départ tous de Malatya et désignés par le tribunal. Derrière les prévenus se trouvaient amis et proches des victimes, journalistes, observateurs nationaux et internationaux, et représentants diplomatiques.

Il y avait aussi dix-sept avocats représentant les familles des victimes[103]. L'Association des Eglises protestantes avait approché un certain nombre d'avocats connus pour leur soutien au droit des minorités. L'équipe rassemblée à Malatya s'est avérée être une sorte de Who's Who des avocats défenseurs des droits de l'homme. On trouvait Orhan Kemal Cengiz, le conseiller juridique de l'Association protestante, et éditorialiste au quotidien turc Zaman, ainsi qu'à sa version anglaise Today's Zaman, qui venait d'Ankara. Sezgin Tanrikulu venait quant à lui de Diyarbakir, où il avait auparavant défendu des victimes kurdes d'atteintes aux droits de l'homme. Ergin Cinmen et Erdal Dogan, qui représentent la famille Dink dans le cadre du procès pour le meurtre de Hrant Dink, venaient d'Istanbul. C'était aussi le cas de Fethiye Cetin, autre avocate spécialiste des droits de l'homme proche de la famille Dink et voix importante dans le débat autour de la réconciliation de la Turquie avec son passé[104].

Les avocats représentant les familles des victimes ne voyaient pas là un procès pour meurtre ordinaire : à leurs yeux, il y avait beaucoup plus en jeu.

b. « Ce ne sont que des marionnettes »

Orhan Kemal Cengiz, l'avocat de l'Association des Eglises protestantes, avait écrit le premier rapport commandité par l'association, en 2002[105]. Dans ce rapport, il examinait la discrimination envers les chrétiens en Turquie[106]. Il a plus tard écrit un guide sur les documents à rassembler et les procédures à suivre en cas de torture, un manuel à l'intention des juges et des procureurs pour lutter contre la torture, et un livret sur la liberté de pensée, de conscience, et de religion[107]. En 2003, il a fondé l'Association Human Rights Agenda (HRAA).[108] Pendant toutes ces années, il a défendu les droits de la communauté grecque orthodoxe, des objecteurs de conscience, des Turcs arméniens, et des Kurdes, à la fois devant les tribunaux et dans ses éditoriaux[109].

Pour Cengiz, l'affaire de Malatya était ainsi une affaire personnelle. Comme il l'a écrit dans son premier éditorial après le meurtre : « Necati Aydin était mon client depuis plusieurs années, et je sais très bien à quel point il était quelqu'un de bien, une personne formidable ». En même temps, pour Cengiz, le crime de Malatya représentait un tournant pour la société turque dans son ensemble :

« La Turquie, plus que jamais dans son histoire, fait face à une menace dangereuse… Cette menace est celle d'une intolérance et d'une incapacité à accepter l'autre qui sont en plein développement, plus qu'à aucun autre moment par le passé… Nous savons que ce ne sera pas là le dernier incident. Mais nous espérons de tous nos cœurs que les choses vont s'arrêter là. »[110]

Dans un autre éditorial, publié le 1er mai 2007, il a écrit :

« Pendant longtemps, j'ai pensé qu'une chose comme celle-là allait arriver… Il y avait des signes. Des chrétiens étaient battus, leurs églises caillassées et incendiées, et des menaces étaient proférées tous les jours. Chaque jour, on recevait de nouvelles sur les projets perfides des missionnaires dans les journaux locaux et nationaux et à la télévision… Pendant longtemps, les graines de l'intolérance, du racisme et de l'animosité envers le christianisme ont été plantées en Turquie. Maintenant, ces graines sont en train d'être moissonnées une à une. Les meurtres du Père Santoro, de Hrant Dink, et le massacre de Malatya sont d'une certaine manière liés les uns aux autres. »

Cengiz a fait remarquer que les forces de sécurité aurait dû être capables de prévenir ces crimes :

« Dans tous les cas, les forces de sécurité possédaient un degré de renseignement et de connaissance préalable au sujet des auteurs des crimes et de leurs plans, mais, d'une certaine manière, elles n'ont jamais suivi les signaux et les avertissements. »[111]

Le 22 novembre 2007, jour de la première audience, Cengiz a répété son accusation :

« Si les responsables de l'Etat répètent chaque jour que la Turquie fait face à un danger imminent, qu'il y a des ennemis intérieurs à l'Etat, que les missionnaires sont des agents d'Etats étrangers qui œuvrent à la destruction de la Turquie, etc., de tels crimes abjects sont inévitables. »[112]

Certains des avocats ont suspecté les institutions de l'Etat d'avoir joué un rôle plus direct dans les meurtres. Erdal Dogan, avocat basé à Istanbul qui avait aussi défendu Hrant Dink, a suspecté l'existence d'un lien avec l'« Etat profond » dès le début. « J'avais lu les premiers documents sur le procès, l'acte d'accusation, les dépositions des suspects. Si vous possédez une intelligence normale, vous voyez qu'il y a quelque chose de plus grand derrière tout ça. »[113] En novembre 2009, après deux ans d'audiences, Cengiz en arrivait à une conclusion semblable :

« C'est clair comme de l'eau de roche. Il y a un projet bien plus grand, et des liens plus complexes. Tout avait été planifié, pas par eux, mais par d'autres. Eux, ne sont que des marionnettes. »[114]
c. « Je n'ai poignardé personne »

L'interrogatoire des suspects devant le tribunal a commencé le 14 janvier 2008. Tous ont nié avoir jamais eu l'intention de tuer qui que ce soit – en dépit du fait qu'ils étaient venus avec des armes et des couteaux – lorsqu'ils avaient pénétré dans les bureaux de Zirve. Le 9 juin 2008, Emre lui-même niait toute implication directe avec les meurtres. « Je n'ai ligoté personne », affirmait-il. « Les trois personnes qui sont mortes ont été ligotées par Cuma et Hamit. Je n'ai poignardé personne. » Emre a aussi affirmé ne pas savoir pourquoi les autres voulaient obtenir des informations des bureaux de Zirve.

« Abuzer et Salih ont dit qu'ils avaient besoin d'informations de la maison d'édition pour leur propre compte. Cuma et Hamit ont dit qu'ils voulaient les transmettre à la presse. Je ne leur ai pas demandé pourquoi ils en avaient besoin. »[115]

L'accusé a dit à la cour qu'avant le meurtre, les victimes avaient avoué travailler avec les autorités kurdes et qu'elles avaient l'intention de « tuer des musulmans ». Emre a donné aux procureurs une version de la discussion qui a eu lieu dans les bureaux de Zirve juste avant le triple meurtre :

« Nous avons commencé à parler. Necati a dit des choses mauvaises sur l'Islam. Il a dit que le Christianisme était bon et il a fait l'éloge du PKK. Ce qu'il a dit m'a mis hors de moi… Ugur a dit que l'Amérique et Israël étaient derrière eux et que leur but était de se débarrasser du Coran. Il a dit : « Nous avons conquis l'Irak, et nous prendrons la Syrie. Le Kurdistan sera indépendant, et à chaque fois que cinq enfants naîtront en Turquie, trois seront tués. »[116]

Abuzer a aussi accusé Ugur Yuksel de les avoir provoqués, lui et les autres:

« Ugur a dit qu'ils allaient violer nos sœurs et nos mères et ensuite les tuer. Emre a dit : "On va voir qui va tuer qui !", et il a avancé vers lui. Ugur continuait à jurer. Je lui ai donné un coup de poing dans la figure. J'ai eu du sang partout sur moi. J'avais l'estomac retourné. Je suis allé aux toilettes. Un moment après, Emre est entré. Sa main et son couteau étaient couverts de sang. Il s'est lavé la main. Ils auraient tué nos enfants. Il a demandé : "quel genre d'homme es-tu ?" Je n'ai pas compris. Lorsque je suis revenu, j'ai trouvé Necati baignant dans son sang. Lorsque j'ai demandé à Emre : "Qu'est-ce que c'est que ça ?", il a répondu qu'ils devaient mourir, eux, à la place de nos enfants… Ensuite, je suis allé dans l'autre pièce. J'ai pensé que ma vie était finie et j'ai pleuré, et j'ai mis les CD sur la table. Lorsque je suis retourné dans la pièce où se trouvaient mes amis, Emre était en train d'appuyer une serviette contre le visage d'un étranger avec une main, et il tenant un couteau dans l'autre main. Le couteau était plein de sang. Je suis retourné dans la pièce d'à-côté. Là, j'ai mis tous les CD dans un sac d'ordinateur. J'ai dit à Emre : "J'ai tout trouvé, allons-y !" »[117]

Salih a raconté une histoire similaire au tribunal :

« Emre est retourné dans la salle de bain. Lorsqu'il est revenu, il a dit à Necati qu'il faisait une mauvaise action en divisant le pays. Necati lui a répondu : "Va te faire foutre, pédale !" Emre a alors sorti son couteau, il leur a donné l'ordre de se coucher par terre, et les a menacés de les tuer s'ils ne le faisaient pas. Il a posé la lame de son couteau sur le cou de l'Allemand. A ce moment-là, nous avons aussi spontanément sorti nos couteaux. Tout le monde était couché à ce moment-là. Tandis que Necati était couché, il a dit à Emre qu'il baiserait sa mère et sa sœur. En réponse, Cuma a attaché les mains de Necati derrière son dos, et ensuite celles de l'Allemand. Emre a fait al même chose avec Ugur. »
« Emre m'a donné une corde et a désigné Necati, et il m'a ordonné de le tuer…. Comme j'avais peur d'Emre, j'ai passé la corde autour du cou de Necati. Je l'ai un petit peu étranglé. Ensuite, j'ai dit que je ne pouvais plus le faire, et j'ai arrêté. Alors, Emre s'est avancé vers Necati. Je me suis levé et j'ai essayé de le retenir. Je lui ai demandé de se calmer. A ce moment-là, le couteau qui se trouvait dans la main d'Emre m'a coupé à la main. Emre s'est arrêté. Un moment âpres, Necati s'est de nouveau mis à jurer. Tandis qu'il jurait, Emre lui a donné des coups de couteau dans le cou. Après quelque temps, Emre a sauté sur la tête de l'Allemand. Plus tard, je l'ai vu donner des coups de couteau dans le dos et le cou de l'Allemand. »[118]

Lors des audiences, les acolytes d'Emre ont tous affirmé qu'ils n'avaient pas été au courant que celui-ci ait eu l'intention de tuer les chrétiens. Selon Salih, Emre « avait dit que les cordes étaient nécessaires pour attacher les gens afin qu'ils donnent des informations plus facilement, et que nous avions besoin de couteaux pour nous protéger. »[119] Cuma a ajouté sa version de la veille des meurtres :

« Je leur ai demandé quelle était la raison d'acheter des couteaux. Ils ont répondu qu'ils allaient les utiliser pour menacer. Lorsque j'ai demandé à Emre pourquoi nous aurions besoin des armes à feu, il a dit qu'il l'expliquerait plus tard. Après que nous avions quitté le magasin d'outillage, Salih a gare la voiture. J'ai vu une arme, de la corde et des gants dans le coffre. J'ai demandé ce que c'était, et à quoi tout ça servirait. Il a dit qu'il allait les utiliser pour leur faire peur et que je n'avais pas à m'inquiéter. »[120]

Abuzer a témoigné qu'« Emre avait dit que le lundi nous irions aux éditions Zirve, que nous recueillerions des informations des missionnaires qui travaillaient là, et qu'ensuite nous irions trouver Wolfgang [Hade] à Konya pour tirer au clair leurs relations avec le PKK. »[121] Les dépositions des suspects devant le tribunal étaient toutefois en contradiction avec leurs déclarations antérieures. Peu de temps après leur arrestation en avril 2007, Hamit avait dit aux procureurs :

« J'ai compris par ce qu'Emre nous avait dit que son combat contre ce groupe serait décisif et qu'au besoin il continuerait jusqu'à la mort, ou jusqu'à leur élimination… Il a dit qu'après avoir tué les missionnaires de Malatya, l'objectif réel était de tuer Wolfgang [Hade], et qu'il ferait ça tout seul si nécessaire. Il a ajouté que si nous faisons cela, nous recevrions de grandes récompenses financières… De temps en temps, Emre nous a parlé de ses plans visant à tuer et éliminer les missionnaires. Nous voulions éliminer ce groupe néfaste au nom de notre amour pour notre pays et notre nation. »[122]
d. « J'avais peur des pouvoirs qui se trouvaient derrière lui »

Les quatre autres suspects ont tous décrit Emre comme quelqu'un d'extrêmement agressif. Comme l'a dit Cuma, Emre intimidait tout le monde dès le premier instant :

 « Nous lui [Emre] avons dit que nous n'accepterions pas sa proposition et que nous étions venus à Malatya pour étudier. Il nous a dit qu'il n'y avait pas de marche arrière possible, et qu'autrement il nous logerait une balle dans la tête et assassinerait nos familles. Il a dit que nous mourrions. Il nous a menacés. Je ne l'ai jamais vu avec une arme à feu, mais il portait un couteau. C'était un petit couteau avec un manche de bois. Emre parlait durement, il criait beaucoup. »[123]

Ils l'ont aussi décrit comme quelqu'un qui entretenait des rapports étroits avec la police locale. Hamit a déclaré devant le tribunal :

 « Si je n'avais pas accepté son invitation, je pense qu'il m'aurait fait du mal, ainsi qu'à ma famille…. Nous avons songé à aller à la police à cause de ce qu'Emre nous avait dit. Mais Salih m'a confié qu'Emre connaissait bien le chef de la police. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas fait. »[124]

Tous les suspects ont évoqué devant le tribunal l'immunité dont avait bénéficié Emre contre toute enquête policière avant le meurtre. Abuzer a dit aux enquêteurs qu'il n'avait « pas osé informer la police parce qu'Emre était un proche du chef de la police, qui l'avait aidé lors de l'affaire du coup de couteau. »[125] Il faisait référence à un événement de février 2007, décrit par Salih lors de la cinquième audience :

« Emre est venu nous trouver un jour âpres avoir poignardé un homme qu'il avait croisé en compagnie de sa petite amie. Il nous a parlé du coup de couteau. Il s'est rapidement changé, est allé chez un barbier se faire raser, et m'a emmené avec Cuma au poste de police. Là, il a parlé sur le seuil avec un policier. Il est rentré et est ressorti rapidement. Ensuite, il est revenu vers nous. Le policier lui a dit qu'ils ne sauraient pas que c'était lui qui avait fait ça et que le dossier serait refermé, comme si l'auteur de l'attaque avait été inconnu. Il a ajouté : « S'ils font une enquête et découvrent que c'est toi l'auteur, on te le fera savoir. » C'est ce qu'Emre nous a raconté. C'est pour cela que nous avons renoncé à dire à la police ce qu'Emre préparait. »[126]

Cuma a raconté le même incident en ces termes :

« Salih, Emre et moi sommes allés au poste de police de Sumer. Nous avons attendu sur le trottoir d'en face tandis qu'Emre est rentré. Il [Emre] a dit qu'il connaissait certains policiers et qu'il allait arranger l'affaire, et l'enquête a été refermée. »[127]

Un mois plus tard, en mars 2007, Emre a donné un coup de couteau à un étudiant à l'intérieur de la résidence. Hamit, qui était présent à ce moment-là, a plus tard témoigné :

 « J'ai vu Emre et un autre étudiant, Fatih, faire descendre Onur dans la salle d'étude. J'ai entendu qu'Onur avait emprunté de l'argent aux autres étudiants, et qu'il ne les avait pas remboursés. Un moment plus tard, j'ai entendu Onur s'écrier et hurler. Lorsque je suis arrivé sur les lieux, j'ai vu Emre frapper le visage d'Onur avec un couteau à pain, tandis que Fatih lui donnait des coups de poing. Emre lui a donné plusieurs coups de couteau dans le corps, et Onur s'est effondré. Emre et Fatih se sont enfuis… L'affaire n'a pas donné lieu à des poursuites. J'ai compris par son comportement qu'Emre était prêt à recourir à la violence si quelqu'un ne faisait pas ce qu'il voulait. Après cet incident, Emre a été renvoyé de la résidence. »[128]

Emre y avait en tout passé deux mois.

A la suite de la seconde audience du 14 janvier 2008, Orhan Kemal Cengiz a souligné les liens qui unissaient Emre et le chef de la police de Malatya.

« Même si les dépositions des accusés ont peu être largement préparées à l'avance, il était encore possible de trouver des détails comme la relation étroite entre Emre Gunaydin et le chef de la police. Bien évidemment, la question qui se pose est de savoir si, en dépit de ces informations, nous serons capables d'aller au-delà de la version actuelle. »[129]

Néanmoins, les liens personnels d'Emre avec la police n'étaient pas la seule source d'inquiétude de ses comparses. Comme Salih, qui était originaire du même village (Dogansehir) que la famille d'Emre, la déclaré devant le tribunal:

 « Emre a aussi dit qu'il y avait sept dossiers sur lui à la police, qu'il avait fait de la prison, et que son frère aîné était avec Sedat Peker. Ses oncles faisaient partie des principaux groupes mafieux de Turquie. J'ai entendu à Dogansehir que ses oncles étaient dans la mafia. Après son arrivée dans la résidence, j'ai commencé à le suivre partout où il allait. Je n'ai pas émis d'objection parce que j'avais peur. Si nous disions non, il nous hurlait dessus. »[130]

Sedat Peker, né en 1971, était connu de tout le monde en Turquie, pour être devenu l'une des figures du crime organisé les plus célèbres et les plus flamboyantes de sa génération. Entre 1988 et 2002, Peker avait passé plus de deux ans en prison pour ces chefs d'inculpation allant du crime organisé à l'attaque avec arme. En 2004, il a de nouveau été arrêté, et condamné trois ans plus tard à une peine de quatorze ans pour son appartenance au crime organisé[131]. On raconte que Peker a été sous les ordres de Veli Kucuk, le général à la retraite présumé fondateur de JITEM, dans la gendarmerie de Kocaeli, au cours des années 1990[132]. Peker, connu pour ses idées panturques, compte de nombreux soutiens parmi les ultranationalistes des Loups gris en Turquie. Il a un site internet qui affichait des centaines de messages de ses fans depuis 2008. Plus de 25 000 membres apparaissent sur sa page Facebook. En 2008, Veli Kucuk et Sedat Peker (qui était déjà en prison pour une autre affaire) ont été mis en examen pour leur supposée appartenance à l'organisation terroriste Ergenekon.

Hamit Ceker a également confié aux procureurs que

« Emre n'avait absolument pas peur de se faire arrêter. Il a toujours dit que nous ne nous ferions pas arrêter, et que si par hasard nous l'étions, il prendrait sur lui toute la responsabilité, et que son oncle, dont j'ai oublié le nom, qui avait des contacts dans la mafia, nous viendrait en aide, et nous avons été convaincus par ces déclarations. »[133]

Abuzer Yildirim a pour sa part déclaré qu'il n'avait « pas peur d'Emre, mais des pouvoirs qui se trouvaient derrière lui. »

« Le samedi précédant l'incident, alors que j'étais assis au salon de thé Arc-en-ciel, Emre est passé. Il a dit que nous irions à la maison d'édition Zirve le lundi suivant et que l'on obtiendrait des informations des missionnaires… Lorsque je lui ai répondu que ça n'arriverait pas, il a dit : ‘Ce n'est pas une proposition que je te fait. Tu dois venir avec moi. Ta famille est connue de l'Etat. Si tu ne viens pas, tu ne peux même pas imaginer ce qui va arriver à ta famille.'[134]
e. « J'étais supposé les tuer »

Le 5 février 2008, un détenu âgé de 24 ans dénommé Metin Dogan a envoyé une lettre au procureur public de Malatya depuis sa prison située en Anatolie du Sud.[135] Dogan purgeait une peine de 16 ans de prison pour meurtre. Dans la lettre manuscrite, il se présente comme quelqu'un qui connaissait Emre Gunaydin du temps où ils étaient tous les deux membres d' Ulku Ocaklari, proche du MHP  nationaliste.[136]

« Depuis ma tendre enfance, j'ai grandi au sein d'Ulku Ocaklari de Malatya. J'ai fait de nombreuses activités avec eux. J'ai occupé des emplois. Ainsi, j'étais le membre en qui on faisait le plus confiance, le numéro un aux yeux de l'organisation. »[137]

Dogan a écrit qu'en 2005, Burhan Coskun, le chef de la section de Malatya d'Ulku Ocaklari, l'a fait venir à la permanence provinciale du MHP[138]. Là, Coskun et d'autres lui ont demandé de tuer les chrétiens dans les bureaux de Zirve.

« Namik Hakan Durhan, l'ancien député MHP de la circonscription de Malatya, m'a dit : ‘Tu vas appeler la maison d'édition Zirve et les menacer'. Je les ai appelés, Adnan de Zirve a répondu, et je l'ai menacé.[139] Après avoir proféré mes menaces, j'ai raccroché. »
« ‘C'est un travail pour toi mon lion, tu vas le faire. Tu tueras tous ceux qui se trouvent à Zirve' [m'ont ils ordonné.] Ensuite, l'homme qui s'était présenté comme un général de division a dit : ‘nous te viendront en aide, ne t'inquiète surtout pas.' Namik Hakan Durhan a expliqué comment terminer le travail et il a dit qu'après ils me donneraient 300 000 dollars. Il a dit qu'ils me communiqueraient plus tard la date et le lieu du meurtre. »[140]

Au cours d'une audience en mai 2008, Emre a affirmé n'avoir jamais même entendu parler de Metin Dogan.[141] Néanmoins, le tribunal a fait comparaître ce dernier comme témoin.[142] Il a été entendu le 4 juillet :

« Je suis très proche d'Emre. Nous étions ensemble au sein de l'Ulku Ocaklari. Moi aussi je suis un athlète. J'ai fait du taekwondo, et Emre faisait quant à lui du kick-boxing. Il ment. Il me connaît. Je possède beaucoup d'informations sur l'incident. J'ai été impliqué avant même que lui ne participe. J'ai grandi chez Ulku Ocaklari. »[143]

Devant le tribunal, Dogan a décrit une nouvelle fois la rencontre lors de laquelle il aurait été invité à tuer les chrétiens :

« Burhan Coskun, le président de la section de Malatya d'Ulku Ocaklari, m'a appelé sur mon téléphone portable en août 2005. Il a dit que je devrais venir dans l'immeuble du MHP, où se trouvaient les bureaux du parti. J'y suis allé. Le président du MHP pour la province, Ekici, l'ancien député MHP Namik Hakan Durhan et un homme âgé de 50 ou 55 ans nommé Hikmet Celik qui s'est présenté comme général de division et que je n'avais jusque-là jamais vu, ainsi que Burhan Coskun étaient présents dans les locaux. Je me suis assis. Nous avions déjà par le passé discuté de la distribution des bibles et de la tromperie dont sont victimes les jeunes par le passé à Ulku Ocaklari ... Il fallait que je trouve deux autres jeunes et qu'ensemble nous attaquions la maison d'édition, mais il ne fallait pas que ces jeunes les connaissent. Ils m'ont demandé de ne pas choisir des membres d'Ulku Ocaklari. Ils m'ont dit d'aller les trouver à Tastepe [un quartier au nord-est de Malatya].
« Ils ont dit que nous devrions y aller armés. J'ai demandé ce que nous aurions à faire si jamais il y avait d'autres personnes sur place… Ils m'ont dit de les tuer également. Ils ont ajouté que je ne me ferais pas prendre si je les écoutais bien, mais que si je n'écoutais pas et que nous nous faisions prendre, nous serions libérés au bout de deux ans. Ensuite, je devais amener les deux jeunes à la colline Santral et les tuer également. »[144]

Dogan a expliqué qu'une seconde rencontre avait suivi avec Namik Hakan Durhan et avec Burhan Coskun.. « Ils ont dit qu'ils allaient me confier cette tâche : le monde entier penserait que c'était eux qui étaient derrière tout ça, mis personne ne serait en mesure de le prouver », a-t-il expliqué au tribunal[145]. Un mois et demie âpres ces entretiens, Metin Dogan s'est rendu à Mersin, où son frère s'était fait tuer dans lors d'un incident sans lien avec ce projet. Dogan a tué le meurtrier de son frère et est allé en prison. Il a mentionné devant le tribunal le message qu'il avait reçu d'un gardien de prison en janvier 2007 :

« Un garde est venu me voir en prison à Mersin. Il a dit que Namik Hakan Durhan  me transmettait le bonjour et demandait si j'avais besoin de quoi que ce soit. Il m'a aussi dit que lui et Namik n'avaient pas de secret l'un pour l'autre et que le travail que je devais accomplir le serait par Emre Gunaydin et que je devais me taire. »[146]

Metin Dogan affirme que les oncles d'Emre « étaient bien connus dans la province de Malatya. Ils étaient comme un gang de criminels organisés. »[147] (Toutefois, lorsque le tribunal lui a demandé des noms, Dogan ne s'en est souvenu d'aucun[148]). Dogan a aussi affirmé qu'Ulku Ocaklari et la police « sont très proches. Un grand nombre de policiers vont et viennent. Burhan Coskun m'a dit de commettre les meurtres avec un couteau, parce que, a-t-il dit, ce serait difficile d'arranger les choses avec la police s'ils étaient commis à l'aide d'une arme à feu. »[149]

L'ancien député Namik Hakan Durhan a plus tard été interrogé par les procureurs de Malatya. Le contenu de sa déposition n'a pas été divulgué dans les papiers du tribunal[150]. En mai 2008, Durhan a réagi aux accusations de Metin Dogan dans une lettre ouverte :

« Je n'étais pas à Malatya quand cette conversation est supposée avoir eu lieu…. Cette information est complètement sans fondement et falsifiée. C'est de la diffamation à mon encontre et contre le parti dont je suis membre. »[151]

Jusqu'à présent, personne d'Ulku Ocaklari de Malatya n'a été appelé à témoigner devant le tribunal.

f. « Je suis le numéro un d'Ergenekon »

Emre Gunaydin a pour la première fois mentionné le nom de Varol Bulent Aral, un homme mystérieux à propos duquel on sait peu de choses, auprès des enquêteurs en 2007. Il aurait rencontré Aral alors qu'ils travaillaient tous les deux au journal de Malatya Birlik au cours de l'été 2006, et lui aurait demandé de mettre fin aux activités des missionnaires qui voulaient saper les fondations du pays. « Vas-y et dis stop », lui aurait dit Aral. « Nous te garantissons le soutien de l'Etat. »[152] Plus tard, lorsque le tribunal l'a interrogé sur le même sujet, Emre a rétracté ses déclarations antérieures, mais celles-ci ont suffi pour faire convoquer Aral comme témoin[153].

A l'époque des meurtres de Malatya, Varol Bulent Aral était en prison. Il avait été arrêté en février 2007 pour possession illégale d'une Kalachnikov. A sa sortie de prison, il avait été emprisonné une nouvelle fois à Adiyaman, une ville située à quelque 130 kilomètres de Malatya, pour avoir insulté le chef de la police de la ville.

Aral a déposé comme témoin lors du procès Malatya le 16 octobre 2008:

« Je connais Emre Gunaydin du journal de Malatya Birlik où nous avons tous les deux travaillé pendant trois jours à l'automne 2006… Nous avons parlé pendant environ une demi-heure du PKK. La conversation n'a porté ni sur les missionnaires, ni sur les victimes. »[154]

A propos de sa première arrestation, Aral a déclaré avoir trouvé la Kalachnikov « dans le sac d'un garçon de dix ans, ce qui m'a paru suspect, dans un parking d'Adiyaman. Je voulais l'apporter à un commissariat proche de là, mais puisque j'avais un contentieux avec l'un des policiers [d'Adiyaman] je ne l'ai pas rapportée là. Je voulais l'apporter à un commissariat plus loin de là. »[155]

Même aujourd'hui, on sait très peu de choses de la vie d'Aral. Il se décrit lui-même comme quelqu'un à la santé fragile, souffrant de dépression et qui, « n'ayant pas d'adresse fixe », habitait « avec un grand nombre de gens » et vivait avec seulement 10 TL (5 €) par jour comme journalier[156]. Un acte d'accusation le décrit comme un publicitaire (reklamci) ayant brièvement travaillé pour le journal de Malatya Birlik[157].

Lors du procès, des questions ont aussi été posées à Aral à propos de son répertoire, retrouvé dans la station de bus de Malatya le 30 janvier 2008, qui contenait les noms de plusieurs personnalités ultranationalistes comme Kemal Kerincsiz, l'un des suspects de l'affaire Ergenekon. Kerencsiz est un avocat ultranationaliste spécialisé dans les procès intentés contre des chrétiens et des intellectuels turcs libéraux pour dénigrement public de l'identité turque. « Ces notes correspondaient à des recherches pour un livre que j'écris et qui s'intitule Teferruat [Détails] », a expliqué Aral[158]. « Je ne suis pas un informateur »[159], a-t-il également déclaré. « Je ne peux toujours pas m'expliquer comment Emre a pu faire ce qu'il a fait. Emre et les autres sont trop inexpérimentés. »[160] Au cours de la même audience, Emre s'est vu demander si Aral l'avait persuadé de commettre les meurtres. Il a fait valoir son droit à demeurer silencieux et n'a pas répondu.

Le 2 février 2009, Emre a toutefois changé d'avis et a fourni aux procureurs une déclaration incriminant à la fois Aral et une seconde personne, le converti au Christianisme Huseyin Yelki qui avait travaillé avec les missionnaires dans leurs bureaux. Tous les deux auraient été à l'origine de l'attaque contre Zirve. Emre affirme dans la déclaration qu'Aral l'aurait présenté à Huseyin Yelki et qu'il aurait aussi rencontré ce dernier en de nombreuses occasions âpres qu'Aral a quitté la province de Malatya en octobre 2006.

Huseyin Yelki aurait dit à Emre que les missionnaires voulaient détruire le pays et que « frère Bulent [Aral] leur livre combat. »[161] Suite au départ d'Aral de Malatya, Yelki aurait dit à Emre qu'il devrait se rendre au bureau de Zirve et rassembler tous les documents qu'il pourrait trouver[162]. Selon l'acte d'accusation concernant Aral et Yelki, un mois et demie avant le meurtre, Yelki aurait donné l'instruction à Emre de rentrer en contact avec les chrétiens de Zirve. Bien qu'il ait travaillé lui-même à Zirve à l'époque, il ne souhaitait pas servir d'intermédiaire. « Trouve une autre manière de contacter Necati et ceux qui travaillent à Zirve », aurait-il demandé à Emre. « Je ne dois pas faciliter ce contact. Il ne fait pas que je sois impliqué dans cette affaire. »[163] C'est cela, selon les procureurs, qui expliquerait pourquoi Emre était rentré en contact avec Necati Aydin sur un site Internet chrétien.

« Qui que ce soit qui se trouverait dans le bureau ce jour-là, tu ne laisseras aucune preuve », aurait ordonné Yelki à Emre quelques jours avant les meurtres. »[164] Emre a aussi affirmé que le frère de Yelki lui aurait dit au début du mois d'avril 2007 que « le travail a été déplacé du 16 au 18 [avril]. »[165] Emre a enfin déclaré aux procureurs que les quatre autres suspects avaient également rencontré Huseyin Yelki.[166] Il a déclaré qu'au cas où « la police commençait à les rechercher, Yelki les aiderait à s'enfuir en leur donnait de l'argent. S'ils se faisaient prendre, ils devaient attendre l'aide de l'Etat fournie par Bulent Varol Aral. »[167]

L'acte d'accusation contre Aral et Yelki a été publié le 9 avril 2009, et tous les deux étaient alors en prison. Ozkan Yucel, un avocat du barreau d'Izmir, représentant les familles des victimes, était particulièrement satisfait :

« Nous avons toujours dit qu'il ne s'agissait pas de meurtres que cinq jeunes hommes avaient décidé de commettre un jour en se levant, et qu'ils avaient été incités à les commettre par d'autres, et qu'ils seraient protégés par l'Etat, ou au moins incités à la croire. C'est un vrai pas en avant. Il y a d'autres gens liés à Aral. »[168]

L'acte d'accusation reproche à Aral et Yelki d'avoir organisé, « dans le cadre d'une organisation terroriste, un multiple enlèvement et meurtre. »[169]

Confronté à ces accusations en février 2009 Varol Bulent Aral a nié l'intégralité des déclarations d'Emre. Il a dit ne pas connaître Huseyin Yelki.[170] Ce dernier a également nié connaître Aral et a dit aux procureurs qu'il avait été on contact avec des chrétiens, à la fois turcs et étrangers, depuis 2001[171]. Il a été baptisé en 2002 et s'était proposé pour travailler à la maison d'édition Kayra de Malatya en la même année. Lorsque Kayra avait fermé ses portes en 2005, Yelki avait continué à utiliser les bureaux de Zirve pour distribuer de la documentation chrétienne[172].

Yelki a témoigné devant la Cour le 21 May 2009, désormais comme suspect. « Les accusations sont complètement dénuées de fondement », a-t-il affirmé. « Je ne connais ni Emre Gunaydin ni les autres. »[173] Plus tard au cours de la déposition, Emre s'est levé et a dit, à la surprise des procureurs : « Huseyin Yelki n'est pas coupable, il est détenu sans raison. » Lorsque les juges ont demandé pourquoi il avait par le passé impliqué Yelki, Emre a dit qu'il avait fait cela parce que « Yelki était un missionnaire chrétien. »[174] Yelki a été relâché le jour même. Les accusations pesant contre lui ont été abandonnées[175].

Aral a témoigné en tant que suspect le 21 août 2009. Une nouvelle fois Emre a rétracté ses déclarations antérieures :

« J'ai mentionné le nom de Varol Bulent Aral afin de réduire ma sentence. Il n'a rien à voir avec ces incidents. »[176]

Dans un moment étrange, Aral a théâtralement interrompu Emre, hurlant : « Je suis le numéro un d'Ergenekon et c'est moi qui ai organisé ces meurtres ! Que Jésus te protège ! »[177]

Le tribunal a décidé d'abandonner les poursuites contre Aral, qui s'en est retourné à la prison d'Adiyaman purger le reste de sa peine. Il semblait alors que c'était la fin de son rôle dans le procès de Malatya. Personne ne se doutait qu'un an plus tard, il redeviendrait un suspect clé.

g. « Je regrette certaines choses que j'ai faites

Dans sa première déposition devant les procureurs après son arrestation, Emre a déclaré avoir rencontré un mystérieux « chercheur » quelques mois avant le crime:

« A la fin 2006 ou au début 2007, je crois, un individu dont je ne connais pas le nom, est venu se présenter à moi, et a affirmé qu'il était chercheur. Il a parlé du Christianisme et du travail des missionnaires au gymnase de mon père. Il a dit qu'il y avait des églises à Malatya et qu'elles étaient financièrement puissantes. Je ne connais pas cette personne, mais peut-être que mon père la connaît. »[178]

Qui était ce chercheur ? Une lettre anonyme envoyée par mél au cours de l'été 2007 a affirmé que les protestants de Malatya avaient depuis longtemps été surveillés à la fois par la gendarmerie de la province et par le Centre pour la recherche stratégique de l'Université Inonu de Malatya.[179] Le mél était envoyé à l'Association des Eglises protestantes, qui l'a transmis ensuite aux procureurs.[180] Il était signé d'un pseudonyme. L'auteur inconnu affirme travailler pour la gendarmerie de Malatya. La lettre déclare :

« La personne qui a guidé et inspiré Emre Gunaydin est le membre de la faculté de théologie Ruhi Abat, qui guidait aussi notre commandant [de gendarmerie] Mehmet Ulger. Ruhi Abat travaillait depuis quatre ou cinq mois avec notre enquêteur Mehmet Ulger. »[181]

L'auteur anonyme ne fournit pas d'autre information – déclarant risquer d'être identifié. Le mél est pas inclus dans l'acte d'accusation de 2007.

Le 12 mai 2008, Emre a nié connaître qui que ce soit du nom de Ruhi Abat.[182] Toutefois, son père a plus tard témoigné que « Ruhi Abat est venu au gymnase [le centre d'arts martiaux dont il s'occupait] pendant environ un mois et demie en 2003. Plus tard, deux de ses enfants sont aussi venus. » Il a toutefois ajouté que selon lui, « Ruhi Abat n'a jamais vu mon fils au gymnase. Emre avait quatorze ou quinze ans [en 2003]. »[183]

En fait, Abat était bel et bien un chercheur concevant un très grand intérêt pour les activités des missionnaires. Cela est apparu clairement lorsqu'il a comparu en tant que témoin le 13 avril 2009, décrivant son travail sur les missionnaires à Malatya comme « une recherche que je considère importante pour les valeurs nationales et religieuses, et pour l'unité de la nation et de l'Etat. »[184] Selon Abat, ses recherches faisaient partie d'un projet à l'échelle du pays qui aurait été lancé par la Fondation pour la recherche historique (Tarihi Arastirmalar Vakfi).[185] A Malatya, les recherches étaient menées par une équipe qui comptait pas moins de sept chercheurs[186], tous basés à l'Université de Malatya. « Je n'ai pas reçu de salaire en lien avec ce travail. Les participants étaient bénévoles », a-t-il affirmé au tribunal[187]. Dans sa déposition en tant que témoin, Abat reste vague quant au contenu de ses recherches :

« Je n'ai pas fait de travail de recherche indépendant sur les activités des missionnaires. Il y avait deux ou trois groupes d'études. Chaque faculté de théologie suivait les activités des missionnaires dans sa région…. Nous essayions d'en savoir plus sur les activités des missionnaires à Malatya et à Adiyaman. »[188]

Il a refusé de donner son opinion sur la question de savoir si ces activités représentaient un crime. « Il est impossible de répondre simplement par oui ou par non », a-t-il déclaré[189].

Abat a admis qu'il avait aussi été en contact avec la gendarmerie de Malatya, y compris son chef, Mehmet Ulger. Toutefois, il a insisté sur le fait que « la plupart de ces conversations [avec Ulger] portaient sur la recherche de soutiens pour empêcher la fermeture de la faculté  de théologie [de l'Université de Malatya]. »[190] Abat a affirmé qu'il avait peur de perdre son emploi à l'université et qu'il s'était tourné vers Ulger dans l'espoir de faire pression sur le président de l'université pour maintenir le département ouvert[191]. Il a aussi avancé avoir donné une conférence pour les officiers supérieurs de la gendarmerie sur « les activités des missionnaires aux XIXe et XXe siècles. » Après la conférence, « la police et la gendarmerie m'ont toutes deux consulté pour obtenir des informations sur mes recherches, par téléphone ou bien en venant me trouver dans mon bureau. »[192]

Mehmet Ulger commandait la gendarmerie de Malatya entre janvier 2006 et juillet 2008. Témoignant le même jour que Ruhi Abat, il a déclaré à la Cour avoir rencontré Abat en 2006 lors d'un séminaire sur les activités des missionnaires. Ulger a expliqué que ses contacts avec Abat étaient liés au séminaire et à la préparation d'une conférence. Il a affirmé avoir appelé Abat pour lui poser des questions sur un document qu'il avait trouvé, écrit en arabe[193]. Il a expliqué : « Mes réunions de travail ont lieu 24 heures sur 24. Je ne me souviens pas si j'ai parlé à Ruhi Abat du bureau ou de chez moi. Il se peut bien qu'il m'ait appelé à 11h30 du soir. »[194] Les avocats des familles des victimes n'ont pas été convaincues. La police avait établi que quelque 1 415 appels téléphoniques avaient été passés entre Abat et la gendarmerie en l'espace de quelques mois[195]. Pourquoi tant d'appels ? Ulger a expliqué que de nombreux appels avaient été passés par la gendarmerie « afin d'obtenir des informations d'un chercheur à l'université. »[196]

Mehmet Ulger a également décrit l'intérêt général porté par la gendarmerie aux activités des missionnaires :

« Au sein de la gendarmerie, selon des catégorisations générales, les activités des missionnaires sont considérées comme situées à l'extrême droite. Elles ne sont pas considérées comme un crime. L'intérêt de la gendarmerie pour ces activités est le même que pour d'autres activités d'extrême droite et islamistes. »[197]

Ulger a ajouté qu'il avait entendu parler des activités des missionnaires en Turquie mais que jusque-là il ne savait même pas si de telles activités avaient lieu à Malatya[198]. Il a soutenu que « durant cette période, aucune recherche n'était menée sur ces activités. »[199] A propos de Ruhi Abat, Ulger a déclaré au tribunal « Non, ce n'est pas un informateur. On ne lui a fait aucun versement d'argent. »[200]

On a aussi questionné Ulger sur les dépositions d'un autre témoin, Veysel Sahin. Celui-ci avait été arrêté en mai 2008 lorsque des grenades et des explosifs avaient été retrouvés à son domicile[201]. Interrogé par les procureurs en décembre 2008, il a déclaré avoir emménagé à Malatya en novembre 2005 pour y ouvrir un bureau du Front des Turkmènes irakiens[202]. Il a soutenu avoir rencontré Mehmet Ulger au bureau du Front des Turkmènes irakiens en mars 2006. Ulger, a-t-il raconté, était arrivé en vêtements civils. Il s'était présenté comme un associé de l'Arena Book café de Malatya:

« Il voulait que la distribution des bibles dans l'est et le sud-est ne soit faite que par une seule entreprise, et il a expliqué que cette entreprise devait être Arena – dont il était l'un des associés – afin de pouvoir obtenir les noms de ceux qui recevaient les livres. »[203]

Selon Veysel Sahin, Ulger avait lui-même donné l'ordre à des membres de la gendarmerie de menacer les autres maisons d'édition, Zirve et Kayra[204]. Ulger aurait également fourni à Veysel Sahin les coordonnées de Dogu Perincek, le chef bien connu de l'ultranationaliste IP de Turquie[205]. Suivant les recommandations d'Ulger, Sahin a rencontré Perincek. L'enquête sur ses appels téléphoniques a confirmé qu'il avait été en contact avec le chauffeur de Perincek[206]. Perincek a été arrêté en 2008 et poursuivi pour son appartenance présumée au réseau terroriste Ergenekon. Durant le procès, Ulger a expliqué qu'il connaissait Veysel Sahin, qui avait été un informateur, mais que celui-ci n'avait jamais fourni le moindre renseignement. Au contraire, il avait été arrêté alors qu'il s'apprêtait à mener une action criminelle. A la suite de son arrestation, selon les déclarations d'Ulger au tribunal, Veysel Sahin l'aurait menacé[207].

Trois mois après qu'Ulger et Abat ont témoigné, une autre lettre anonyme a été envoyée, cette fois au procureur d'Istanbul Zekeriya Oz, l'un des procureurs travaillant sur le procès Ergenekon, ainsi qu'au procureur de Malatya Seref Gurkan. Son auteur pointe du doigt l'unité de renseignement de la gendarmerie pour la province de Malatya :

« Je vais essayer de vous expliquer ce que je sais sur le crime contre mes missionnaires dans la province de Malatya et sur le colonel Mehmet Ulger, qui en a personnellement été l'instigateur. Je possède ces informations parce que je suis membre de l'unité de renseignement de la gendarmerie (JIT) pour la province de Malatya… En mars 2007, le Colonel Mehmet Ulger a fait un briefing pour le bureau d'information de la gendarmerie de Kayseri [une ville d'Anatolie centrale à mi-chemin entre Ankara et Malatya], et au président du comité de supervision générale de la gendarmerie[208]. Environ un mois et demie âpres ce briefing, les missionnaires ont été assassinés à Malatya. Lors de la réunion, Mehmet Ulger a donné des rapports détaillés sur les personnes qui ont plus tard été tuées, et sur leurs activités. »

La lettre anonyme affirme que la gendarmerie avait consacré de nombreuses ressources à l'enquête sur les activités des missionnaires et qu'elle avait travaillé en étroite collaboration avec des chercheurs, en particulier avec Ruhi Abat[209].

« Ruhi Abat de l'Université Inonu a visité les bureaux de la gendarmerie avant et après l'incident près de deux à trois fois par semaine, et a parlé pendant des heures avec Mehmet Ulger dans son bureau. Toutefois, les visites de Ruhi Abat à la gendarmerie n'ont jamais été consignées par écrit… Mehmet Ulger avait personnellement donné l'ordre de conduire cette personne directement dans son bureau, sans la faire attendre et sans l'enregistrer. Cela peut être confirmé par les agents de garde.
En 2007, la gendarmerie de Malatya a dépensé plus de 40 000 YTL [autour de 20 000 €] du budget de quartier général du renseignement de la gendarmerie… Presque tout cet argent a été dépensé pour [enquêter sur] les activités des missionnaires. Et avec cet argent, Mehmet Ulger a fait de nombreux versements à Ruhi Abat personnellement, en particulier avant les meurtres. Il est impossible de le prouver. Sur les récépissés, aucun nom n'est indiqué, seuls des noms de code ont été utilisés. »

L'auteur anonyme affirme qu'Ulger a aussi remplacé la carte SIM d'un téléphone mobile appartenant à l'un des suspects de l'affaire Zirve :

« Après l'incident, la carte SIM d'un téléphone mobile appartenant à l'un des suspects emprisonnés a été confisqué par Mehmet Ulger. Il s'est rendu dans la prison. Il a affirmé aux autorités pénitentiaires que des informations sur la carte étaient nécessaires pour faire la lumière sur [les meurtres de Zirve]. Le lendemain, une nouvelle carte SIM, avec le même numéro, a été donnée aux autorités de la prison. Plusieurs personnes sont au courant : les membres de la gendarmerie de la prison Abdulkadir Seri et Ismail Sert ainsi que les gardiens Aytekin Kut, Kamil Coskun et Huseyin Karakus. Si ce crime relève de l'autorité de la police, pourquoi Mehmet Ulger … ainsi que des officiers supérieurs et des experts de la gendarmerie ont-ils été si intéressés ? »

La lettre se termine ainsi :

« Je sais davantage que ce qui est écrit ici, mais si je révèle exactement tout ce que je sais, je serai identifié. J'envoie cette lettre aux deux procureurs, parce que je regrette également certaines des choses que j'ai faites. J'espère avoir contribué à résoudre cette sombre affaire. »

En février 2010, l'avocat des victimes Erdal Dogan a soumis cinq pages de documents identifiant des versements anonymes faits par la gendarmerie de Malatya[210]. Les récépissés avait d'abord été envoyés au quotidien Hurriyet. Dogan se les ai procurés et les a transmis aux procureurs de Malatya. Comme il l'a expliqué :

« Les récépissés ne portaient pas de vrais noms, seulement des noms de code. C'est la raison pour laquelle nous ne savons pas qui désigne quel code. Le commandement de la seconde armée de Malatya a ouverte une enquête pour trouver qui avait fait fuiter cette information, ce qui suggère que les documents sont vrais. »[211]

Mehmet Ulger n'a pas été convoqué à nouveau pour répondre aux accusations faites contre lui dans la lettre anonyme.

h. L'Etat profond à Malatya ?

La 29e audience a eu lieu le 15 octobre 2010. Avec les témoignages d'Orhan Kartal et Erhan Ozen, le procès a connu un tournant.

Orhan Kartal, ancien membre du PKK, avait partagé une cellule de prison avec Varol Bulent Aral à Adiyaman entre octobre et décembre 2008. Appelé à la barre en octobre 2010, il a témoigné qu'Aral lui aurait dit qu'il était « l'un des meneurs derrière l'incident de la maison d'édition Zirve, qu'il était en contact avec certains cercles de l'Etat, dont le chef de JITEM Veli Kucuk, et qu'il n'était pas le seul. »

« [Aral] a dit qu'il avait rassemblé des jeunes, qu'il les avait préparés psychologiquement pour l'incident de la maison d'édition Zirve, et qu'il était plus tard venu à  Adiyaman. »[212]

Kartal a déclaré devant le tribunal : « En-dehors de Veli Kucuk, autant que je m'en souvienne, [Aral] a aussi mentionné le nom d'un certain Muzaffer. »[213] Kartal a indiqué qu'Aral s'était volontairement fait arrêter en transportant ouvertement la Kalachnikov afin de se trouver en prison au moment des meurtres de Malatya[214].

Varol Bulent Aral, qui était présent au sein du tribunal à la demande du juge, a commencé à hurler à la fin du témoignage de Kartal. Il a été sorti de force de la salle d'audience[215]. Le juge a ordonné son arrestation. Il était redevenu un suspect[216].

Erhan Ozen, qui avait déclaré aux procureurs de Malatya qu'il avait travaillé comme agent de renseignement informel pour JITEM entre 1997 et 2005, a ensuite été appelé à la barre. Ozen, déjà témoin dans le procès du meurtre de Hrant Dink, est en ce moment incarcéré à la prison d'Iskilip (dans la province de Corum). Ses activités au sein de JITEM, a-t-il indiqué, avaient été coordonnées par les anciens généraux de gendarmerie Veli Kucuk et Levent Ersoz, tous deux plus tard mis en examen dans l'affaire Ergenekon.[217] Levent Ersoz a servi comme commandant de la gendarmerie dans le sud-est anatolien entre 2002 et 2004 et a également dirigé le service de renseignement de la gendarmerie[218].

Selon Ozen, « l'opération de Malatya a été entreprise afin de créer les conditions favorables à un coup d'Etat. »[219] Selon son témoignage, Varol Bulent Aral avait joué un rôle clé.

« Je sais que Varol Bulent Aral était en contact avec Veli Kucuk, et recevait des ordres [de lui]. Je ne souhaite pas expliquer comment je sais cela… De Veli Kucuk, Muzaffer [Tekin], Siran et Yusuf [deux noms de code] j'ai entendu le nom de Varol Bulent Aral à Malatya. Dans de ces conversations, on disait qu'il aidait Malatya. » [220]

Lors de sa déposition aux procureurs, le 13 octobre 2010, deux jours avant l'audience, Ozen a également indiqué que des plans avaient été faits pour ternir la réputation du gouvernement.

« Pendant que je travaillais officieusement pour JITEM, j'ai appris que Muzaffer Tekin et des personnes aux noms de code Yusuf et Siran échafaudaient des plans pour mettre le gouvernement en difficulté et l'affaiblir. Les plans indiquaient que les activités des missionnaires augmentaient à Malatya et qu'ils y aurait là-bas des opérations. »[221]

Muzaffer Tekin, capitaine à la retraite et membre de l'ultranationaliste Parti des travailleurs, a joué un rôle majeur dans l'organisation des manifestations contre les chrétiens et les écrivains libéraux à Istanbul en 2006 et 2007, conjointement avec l'ancien général de gendarmerie Veli Kucuk et d'autres ultranationalistes. Il a été mêlé aux grenades trouvées à Istanbul en 2007 dans un lieu appartenant à un de ses proches collaborateurs, autre militaire à la retraite appelé

Oktay Yilidirm. Tekin a été mis en examen pour avoir donné l'ordre de l'assaut qui a coûté la vie à un juge à Ankara en 2006 (voir p. 4). Il a également été mis en examen lors du premier acte d'accusation Ergenekon en 2008.

Ozen a affirmé connaître des figures haut-gradées de la hiérarchie militaire. « Lorsque j'étais soldat de l'infanterie à Balikesir-Edremit en 1997, mon commandant était Hakan Korkmaz. Nous sortions ensemble. En l'une de ces occasions, nous avons rencontré Muzaffer Tekin. Jusqu'à la fin de l'année 2005, j'ai rencontré Muzaffer Tekin à de nombreuses reprises. »[222] C'est lors d'une de ces rencontres qu'il aurait entendu parler de plans d'assassinat concrets, selon son témoignage.

« Je sais que depuis 2004, les opérations Hrant Dink et Malatya ont été portées à un statut actif. On entendait dire qu'il y avait des activités de missionnaires à Malatya et dans les environs. J'ai aussi entendu que des efforts étaient faits pour discréditer le gouvernement en place. J'ai rencontré Veli Kucuk, Levent Ersoz et Muzaffer Tekin à la fin de l'année 2004 dans le mess des offciers Sariyer d'Instanbul, en même temps que des individus aux noms de code Siran et Yusuf. Je suis resté à l'extérieur de la pièce. Selon ce que Siran et Yusuf m'ont raconté, il devait y avoir une opération contre des missionnaires à Malatya afin de discréditer le gouvernement. L'entreprise a été portée au statut d'active et bien qu'aucune date n'ait encore été fixée pour les opérations, les préparatifs ont commencé. »[223]

Cela s'est passé quelques mois avant que l'Ulku Ocaklari de Malatya organise des manifestations contre les chrétiens locaux.

Répondant aux questions sur les activités de JITEM, Ozen a expliqué :

« Le système fonctionnait selon une structure composée de cellules de 3, 4, ou 6 personnes. Les rangs les plus élevés (ustler) donnaient l'ordre d'engager une opération. Les préparatifs étaient faits par Levent Ersoz, Muzaffer Tekin et Veli Kucuk. Au cours de la mise en œuvre, des gens de différents secteurs étaient utilisés. Les commandants décidaient de cela. »[224]

Ozen a aussi soutenu que le président de l'Université Inonu de Malatya, Fatih Hilmioglu, soutenait ces activités ainsi que la surveillance des missionnaires de Malatya par ses équipes.

Hilmioglu avait déjà été arrêté en avril 2009 et mis en examen en lien avec le procès Ergenekon. Il était étroitement lié à l'ancien chef de la gendarmerie turque, Sener Eruygur, actuellement en procès pour avoir comploter afin de renverser le gouvernement en 2003-2004. Selon Ozen, Muzaffer Tekin rendait souvent visite au président, dont les convictions ultranationalistes virulentes étaient connues[225].

« Je sais que Muzaffer Tekin et le président de l'Université Inonu s sont parlé en personne à Istanbul. La région de Malatya était entièrement sous contrôle de JITEM. La personne responsable des activités de JITEM à Malatya était un capitaine dont je ne me souviens plus du nom de code. Je suis venu à Malatya avec Muzaffer Tekin, ainsi que Siran et Yusuf (noms de code). C'était en été 2005 … A Malatya nos avons rencontré les membres d'Ulku Ocaklari.[226]

Après la déposition d'Ozen, l'avocat Erdal Dogan a demandé à la Cour que le procès Malatya soit joint aux procès Ergenekon en cours à Istanbul[227]. Il répétait là une requête faite par les avocats dans une lettre au tribunal datant du mois d'avril 2010.

Une atmosphère tendue a dominé la 30eaudience du 3 décembre 2010, lors de laquelle la question de joindre les différents procès a été nue nouvelle fois soulevée. L'avocat d'Abuzer Yildirim, Mert Eryilmaz, s'est prononcé avec force contre cette éventualité. Il a lu un texte qu'il avait soumis au juge pour l'inclure dans les documents du procès :

« Dans la mesure où il n'existe à l'heure actuelle aucune preuve tangible concernant l'existence ou les activités de l'organisation Ergenekon, accepter les requêtes présentées par les avocats de la défense en vue de la fusion des procès serait une décision allant gravement contre le droit. »

Ensuite, il s'est tourné vers les familles des victimes : ma mère d'Ugur Yuksel, assise au premier rang, juste derrière les cinq mis en examen, et la veuve de Tilmann Geske à côté d'elle. Bien que le juge lui ait demandé à plusieurs reprises de baisser la voix, Eryilmaz a prononcé un discours de haine : les chrétiens représentaient une « menace pour l'indépendance de notre pays », « les mis en examen ont été provoqués par les provocations séparatistes et destructrices, relevant de la trahison, des évangélistes et autres missionnaires partout en Turquie. » il a hurlé que « la maison d'édition Zirve et la Fédération des Eglises protestantes à laquelle elle est liée soutiennent ouvertement le PKK terroriste. » Le but des missionnaires n'était pas de propager la foi chrétienne en Turquie, mais plutôt :

« de trahir la jeunesse, de lui faire prendre de la distance avec la religion musulmane et de l'endoctriner avec des sentiments de haine envers l'Etat et la nation… Le but fondamental de la maison d'édition Zirve et des aurtes groupes de missionnaires opérant dans notre pays est de faire de notre patrie une colonie des puissances occidentales. »

A ce moment-là, il hurlait d'une voix tremblante, faisant fi des réprimandes des juges :

« Les victimes travaillant pour la maison d'édition Zirve à Malatya complotaient pour éliminer notre religion, diviser notre pays, et corrompre notre peuple. De plus, ils soutenaient financièrement des organisations terroristes dans notre pays. »

A la fin de ce discours, le juge a ordonné l'évacuation d'Eryilmaz de la salle d'audience. Alors qu'il était conduit de force vers la sortie par plusieurs policiers, il a ciré : « Ceci est un tribunal protestant ! »

5. CONCLUSION – LE SENS DE MALATYA

Etant donnée la nature du crime, les connections des suspects et les allégations circulant autour d'eux, il n'est guère surprenant qu'il existe un grand nombre d'informations contradictoires, de désinformation, et de confusion. Un témoin clé aurait dit à ses associés qu'il entretenait des liens avec l'une des figures du crime organisé turc les plus connues. Peut-on croire en ces informations, et peut-on le croire ? Un autre suspect était déjà en prison au moment des meurtres de Malatya pour port d'arme illicite – une Kalachnikov. Un témoin est en prison pour son appartenance antérieure au PKK, un autre pour attaque à main armée, et troisième pour meurtre, et un quatrième pour avoir caché des armes et des explosifs. Il y a par ailleurs trois lettres offrant des allégations détaillées au suet du crime : l'une envoyée par un meurtrier condamné, et deux par des sources anonymes déclarant travailler au sein de la gendarmerie. La question de qui croire n'est pas seulement un dilemme pour les juges, elle l'est aussi pour quiconque suit ce procès (et d'autres procès en cours similaires, et même encore plus compliqués, comprenant des allégations voulant que l'« Etat profond » ou des généraux pourraient avoir été impliqués dans l'exécution ou la préparation des opérations).

Ce dilemme n'est pas nouveau. Lorsqu'une Mercedes et un camion se sont percutés dans la ville de Susurluk en novembre 1996, la police turque a appris qu'Abdullah Catli, un tueur de la mafia déjà condamné et à l'époque recherché par la police, voyageait alors en compagnie d'un député et d'un ancien vice commissaire divisionnaire. Il est aussi apparu plus tard qu'Abdullah Catli était aussi lié à des commandants de la gendarmerie, ainsi qu'avec les ultranationalistes des Loups gris. La police a établi que la dernière personne à laquelle Catli avait parlé au téléphone avant l'accident de Susurluk était quelqu'un dont le nom est revenu un grand nombre de fois dans la salle d'audience de Malatya : Veli Kucuk, le fondateur présumé de JITEM. Deux rapports (l'un écrit par le parlement turc et le second par un inspecteur, Kutlu Savas, nommé par le Premier ministre turc), enquêtant sur les liens entre l'Etat et les organisations du crime organisé à la suite de l'incident de Susurluk en 1997 et 1998, ont aussi mentionné cette organisation occulte. Le rapport de Savas sur Susurluk note que « bien que niée par le commandement général de la gendarmerie, l'existence de JITEM ne peut être ignorée. »[228] Et malgré tout, le commandant général de la gendarmerie et le chef d'Etat major des armées ont soutenu que JITEM n'était qu'une pure fiction[229].

L'activiste turc en faveur des droits de l'homme et également chercheur universitaire Murat Belge, qui a raconté aux média avoir été torturé par Veli Kucuk à la suite du coup d'Etat militaire de 1971, considère que JITEM est l'incarnation de l'« Etat profond » en Turquie[230]. Toutefois, aucune enquête n'avait jusque-là réussi à faire la lumière sur ses opérations. Récemment, un ancien agent de JITEM, Abdulkadir Aygan, a raconté à un journal turc que Veli Kucuk « était l'un des fondateurs de JITEM. » Aygan a publié un livre  en 2004 qui comprend des documents prouvant l'existence de JITEM et des informations qui ont permis aux enquêteurs de découvrir les corps des personnes disparues tuées par l'organisation. Aygan a également expliqué à quel point il était dangereux pour quiconque d'être identifié comme sympathisant ou supporteur du PKK, et ce qui pouvait arriver :

« Les personnes en contact avec le PKK oui qui lui fournissait des informations étaient dénoncées à JITEM. Ensuite, JITEM faisait son travail. Faire son travail, cela voulait dire s'emparer d'une personne de manière extra-légale, l'amener à JITEM et l'interroger, et ensuite la tuer. »[231]

Etre identifié comme sympathisant du PKK pouvait être une condamnation à mort. Il faut noter que c'est l'affirmation (aussi spécieuse eût-elle été) que les missionnaires soutenaient les séparatistes en Turquie, plus que leurs activités religieuses, qui a été au cœur de la campagne ultranationaliste contre eux au cours des années récentes.

L'un des changements les plus importants et les plus encourageants qui ont eu lieu en Turquie depuis le commencement du procès Malatya à la fin de l'année 2007 est la diminution des articles antichrétiens dans les média. On a aussi pu observer un déclin sensible de la violence prenant des chrétiens pour cible en Turquie. Il est possible de quantifier cette baisse : au cours des dernières années, l'Association des Eglises protestantes de Turquie a publié des rapports annuels sont les violations des droits de l'homme perpétrées contre des protestants. Selon le dernier rapport, « un grand nombre de responsables d'églises et le conseiller juridique de la communauté protestante continuent de se trouver sous protection policière parce que leurs vies sont menacées. »[232] Toutefois, on observe une tendance encourageante. Le rapport 2007 indiquait 19 agressions physiques, y compris les meurtres de Malatya[233]. En 2008, le nombre d'incidents tombait à 14, et personne n'a été tué[234]. En 2009, le rapport n'indique que deux agressions[235]. Pour Orhan Kemal Cengiz il y a deux explications à la chute du nombre des agressions :

« D'un côté, les média nationalistes ont exercé une forme de self-control après les meurtres de 2007 afin de ne plus prendre les chrétiens pour cible. D'un autre côté, il y a la conséquence des arrestations liées à Ergenekon. L'arrière-cuisine dans laquelle les agressions contre les chrétiens étaient préparées a pris un sérieux coup. »[236]

Il reste à voir si cette tendance va se confirmer. En 2010, un autre crime a choqué la Turquie, lorsque l'évêque catholique Luigi Padovese a été poignardé et tué. Le procès concernant son meurtre doit commencer plus tard cette année[237].

Les suites du procès de Malatya vont-elles contribuer à faire la lumière sur l'arrière-plan de la violence ultranationaliste en Turquie ? Le 15 avril 2010, les avocats des familles des victimes ont écrit une lettre au président du tribunal de Malatya[238], dans laquelle ils demandent que les nombreux liens entre les prévenus de l'affaire de Malatya et ceux des procès Ergenekon fassent l'objet d'enquêtes exhaustives[239]. La décision de fusionner le procès de Malatya avec d'autres procès en cours se penchant sur les crimes présumés de l'Etat profond n'a pas encore été prise, malgré les requêtes déposées par les avocats.

Toutes les personnes qui sont mentionnées dans ce rapport et qui sont en ce moment en procès à Malatya ou à Istanbul doivent être considérées innocentes jusqu'à ce qu'elles soient reconnues coupables par un tribunal. En tout état de cause, il apparaît clairement que des crimes de cet ordre ne sont pas exceptionnels dans la turbulente histoire de la Turquie moderne. Comme l'a noté Orhan Kemal Cengiz dans un éditorial récent :

« En Turquie, nous avons une très longue histoire de meurtres, de provocations de masse et de coups d'Etat militaires. Des centaines d'intellectuels ont été assassinés… au cours des seules cinquante dernières années, on ne compte pas moins d'une douzaine de tentatives de coups d'Etat militaires, dont plusieurs sont parvenus « avec succès » à intervenir dans le jeu du système démocratique. Dans cette perspective, l'histoire de la Turquie peut être écrite comme une histoire de meurtres non résolus et comme une histoire d'impunité absolue pour certaines structures illégales au sein de l'appareil d'Etat. Pour ce qui est des meurtres politiques, des assassinats et des provocations de masse au sujet desquels des éléments de l'« Etat profond » sont impliqués, soit personne n'a été capturé, soir les « suspects » ont tout simplement été libérés après avoir passé très peu de temps en prison. »[240]

Ce n'est que lorsque cette tradition de violence politique et d'impunité aura touché à sa fin que la Turquie pourra être décrite comme progressant de manière sûre et irréversible sur le chemin de la démocratie. Reste à savoir si les tribunaux turcs pourront aller jusqu'au fond des crimes qui ont pris pour cible les minorités religieuses, et si la sous-culture ultranationaliste de haine sera enfin mise sous contrôle.

Annexe – les audiences du proces de Malatya

Au moment de l'écriture ce de rapport, un total de vingt-sept témoins a été entendu au cours de trente audiences. Les premiers témoins ont déposé lors de la 9e audience, le 4 juillet 2008.

1

22 nov 2007

 

2

14 jan 2008

Les prévenus Kursat Kocadag, Hamit Ceker et Mehmet Gokce sont entendus.

3

25 fév 2008

 

4

17 mar 2008

 

5

14 avr 2008

Les prévenus Cuma Ozdemir, Abuzer Yildirim et Salih Gurler sont entendus.

6

-

 

7

12 mai 2008

Les prévenus Salih Gurler et Emre Gunaydin sont entendus.

8

9 juin 2008

Les prévenus sont à nouveau interrogés.

   

Les dépositions des témoins commencent

9

4 juil 2008

OZAN DAGHAN COBANOGLU

Au moment de l'incident, il vivait dans la province de Kocaeli près d'Istanbul. Il a été contacté par Emre Gunaydin à travers un site Internet chrétien et c'est lui qui l'a transféré vers Necati.

EMIN MIGI

Migi était comptable dans l'entreprise Silk Road fondée par Tilmann Geske à Adana. Le jour de l'incident, il était venu à Malatya pour faire signer des documents à Tilmann. Il a vu Abuzer Yildirim au bureau de Zirve le matin du triple meurtre.

METIN DOGAN

Détenu de la prison d'Elbistan. Il affirme connaître Emre Gunaydin par l'intermédiaire du club de sport de son père et d'Ulku Ocaklari où ils étaient tous les deux actifs au cours de l'adolescence. Dogan déclare qu'il avait au départ été choisi pour commettre le meurtre. Emre Gunaydin nie connaître Dogan.

OZGE TALAS

Son mari partageait un bureau avec Zirve. A environ midi le jour du triple meurtre, elle est venue au bureau en compagnie de son mari.

GOKHAN TALAS

Talas, un dessinateur, partageait un bureau avec Zirve. Le jour du triple meurtre, il est venu au bureau. Comme il ne pouvait pas ouvrir la porte, il a appelé la police.

RUHI POLAT

Cheminot. Il connaissait Emre Gunaydin du club de sport de son père. Polat est membre MHP de l'assemblée provinciale.

10

21 août 2008

HUSEYIN YELKI

Turc converti au Christianisme, il a travaillé par le passé pour la maison d'édition Kayra.

11

12 sept 2008

ABDULLAH MAHMUT KUDAS

Kudas connaît Cuma Ozdemir, Salih Gurler, Hamit Ceker et Emre Gunaydin de la résidence dans laquelle ils habitaient.

TURNA ISIKLI

Elle connaît Emre Gunaydin de l'école.

MEHMET ULUDAG

Il connaît Cuma Ozdemir, Salih Gurler, Hamit Ceker et Emre Gunaydin de l'école de l'après-midi (dershane).

12

16 oct 2008

VAROL BULENT ARAL

Aral connaît Emre pour avoir travaillé au journal local Birlik.

YILDIZ OZDEMIR connaît Salih Gurler, Abuzer Yildirim et Emre Gunaydin de l'école de l'après-midi.

EBUBEKIR OKTEM connaît Salih Gurler, Emre Gunaydin, Abuzer Yildirim, Hamit Ceker et Kursat Kocadag de l'école de l'après-midi.

13

21 nov 2008

 

14

16 jan 2009

 

15

20 fév 2009

 

16

13 avr 2009

ONUR DULKADIR connaît Emre Gunaydin, Abuzer Yildirim de l'école de l'après-midi.

MUSTAFA GUNAYDIN

Père d'Emre Gunaydin.

ZEKI DAG connaît Emre Gunaydin du journal.

HAMIT OZPOLAT dirige la radio Tempo et le journal Frekans à Adiyaman et connaît Bulent Aral Varol.

SALIH DEMIR connaît Emre du journal Birlik.

RUHI ABAT

Abat est chercheur à l'Université Inonu de Malatya. Il a reçu une formation de théologien. Autour du moment du triple meurtre, il travaillait à au centre de recherche stratégiques sur les activités des missionnaires à Malatya.

MEHMET ULGER

Ulger était le commandant provincial de la gendarmerie pour Malatya entre janvier 2006 et juillet 2008. Une lettre anonyme affirme qu'il est l'instigateur du triple meurtre de Zirve.

17

21 mai 2009

ERKAN YILMAZ connaît Emre Gunaydin de l'école de l'après-midi.

   

MEHMET COLAK

Entre 2003 et 2007, Colak travaillait au service de renseignement de la gendarmerie de Malatya. Depuis 2007, il est basé à Diyarbakir.

18

19 juin 2009

 

19

17 juil 2009

 

20

21 août 2009

BURCU POLAT

Burcu Polat connaît Emre Gunaydin du club de sport où elle se rendait avec son père Ruhi Polat.

21

16 oct 2009

MURAT GOKTURK

Il travaillait à la gendarmerie de Malatya entre 2004 et juin 2008. Il a plus tard été muté à Igdir. Il connaît Huseyin Yelki, duquel il a reçu une bible en arabe.

22

13 nov 2009

 

23

25 déc 2009

 

24

19 fév 2010

 

25

15 avr 2010

BURAK DOGAN connaît Varol Bulent Aral, qu'il a rencontré en août 2006. Aral lui a dit que quelque chose devait être fait à propos des activités des missionnaires, et que ceux qui agiraient deviendraient riches.

26

14 mai 2010

 

27

25 juin 2010

 

28

20 août 2010

 

29

15 oct 2010

ORHAN KARTAL a partagé une cellule de prison avec Aral en 2008. Kartal a affirmé qu'Aral lui affait dit être impliqué dans l'organisation du triple meurtre de Zirve.

ERHAN OZEN

Ozen a affirmé avoir travaillé pour JITEM entre 1997 et 2005. Il a soutenu que les meurtres de Hrant Dink et des missionnaires à Malatya avaient été planifiés par JITEM.

30

3 déc 2010

Aucun témoin entendu.

31

20 jan 2011

Le procès reprend à Malatya ...

 

[1] Pour de plus amples informations sur Ergenekon, un réseau terroriste présumé cherchant à déstabiliser la Turquie et à affaiblir le gouvernement turc afin de préparer les conditions favorables à une intervention militaire, voir ESI Briefing Turkey's Dark Side (2008) - Ergenekon arrests 2008.

[2] Pour plus d'informations sur les luttes de pouvoir en Turquie en 2007-2008, voir également ESI Briefing: Turkey's dark side. Party closures, conspiracies and the future of democracy, avril 2008.

[3] Pour plus d'information sur Ergenekon voir également: ESI Briefing: Turkey's dark side. Party closures, conspiracies and the future of democracy, avril 2008.

[4] En 2006, Veli Kucuk faisait partie des ultranationalistes agressifs tenant une bannière à l'extérieur de la chambre du tribunal où Hrant Dink était poursuivi pour avoir dénigré publiquement l'identité turque, et qui accusait Dink d'être « le fils d'un missionnaire ». Voir également : Fethiye Cetin and Deniz Tuna, Third Year Report on Hrant Dink's Murder, p. 4. Pour mieux comprendre le contexte de l'affaire Hrant Dink, cette étude est essentielle, ainsi que la plus récente Fourth Year Report on Hrant Dink's Murder. Lire également ce briefing de 2009 sur le procès écrit par l'ancien eurodéputé Joost Lagendijk : Hrant Dink – A Victim of Intolerance and the Quest for Justice, juillet 2009. Pour plus d'informations : ESI film - Turkey - Istanbul:Truth, fear and hope.

[5] Fethiye Cetin et Deniz Tuna, Third Year Report on Hrant Dink's Murder, p. 8

[6] Pour plus d'informations sur la gendarmerie et l'affaire Hrant Dink, lire l'excellent chapitre d'une publication récente d'un des principaux think-tanks turcs, TESEV, Almanac, p. 180.

[8] Procès-verbal de la 30e audience, 3 décembre 2010; déclaration de l'avocat Mert Eryilmaz

[11] Annette Grossbongardt, « Fear Prevails after Priest's Murder », Spiegel Online, 4 décembre 2006, http://www.spiegel.de/international/spiegel/0,1518,411043,00.html.

[14] « Turkey: International Religious Freedom Report 2007 », site Internet du Département d'Etat américain, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2007/90204.htm.

[15] Annette Grossbongardt, « Fear Prevails after Priest's Murder », Spiegel Online, 4 décembre 2006, http://www.spiegel.de/international/spiegel/0,1518,411043,00.html. Padovese a lui-même été tué par son chauffeur le 3 juin 2010. Voir Die Welt, « Der erschutternde Tod des Bischofs Luigi Padovese » (La mort choquante de l'évêque Luigi Padovese), 4 juin 2010, http://www.welt.de/politik/ausland/article7909574/Der-erschuetternde-Tod-des-Bischofs-Luigi-Padovese.html.

[16] Nurcan Kaya, « Turkey's Christians and other religious minorities face discrimination and rights violations », Minority Rights Group International, 28 novembre 2006, http://www.minorityrights.org/676/press-releases/turkeys-christian-and-other-religious-minorities-face-discrimination-and-rights-violations.html

[17] Annette Grossbongardt, « Trouble in Turkey, Fear Prevails after Priest's Murder », Der Spiegel, 4 décembre 2006, http://www.spiegel.de/international/spiegel/0,1518,411043,00.html.

[18] « Dindar ve ulkucu bir kisi » [Un individu religieux et fasciste], Milliyet, 18 mai 2006, http://www.milliyet.com.tr/2006/05/18/guncel/gun01a.html.

[19] « Allah'in askeriyim » dedi vurdu [Il a dit « Je suis le soldat d'Allah » et il a tiré], Hurriyet, 18 mai 2006, http://hurarsiv.hurriyet.com.tr/goster/haber.aspx?id=4432607&tarih=2006-05-18.

[20] Le nom du juge était Mustafa Yucel Ozbilgin.

[21] « Judge shot dead after blocking promotion of teacher who wore Muslim headscarf », The Sunday Times, 18 mai 2006, http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/europe/article720515.ece. En Turquie, les fonctionnaires turques de sexe féminin ne sont pas autorisées à porter le foulard au travail. Cette enseignante enlevait son foulard avant d'entrer dans l'école, mais le portait en dehors.

[22] « Ata'ya sikayet » [Complainte à Ataturk], Hurriyet, 19 mai 2006, http://hurarsiv.hurriyet.com.tr/goster/haber.aspx?id=4438801&tarih=2006-05-19 et « Turks protest over judge shooting », BBC, 18 mai 2006, http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/4993444.stm.

[23] Première page, réimprimée en entier in Mehmet Altan, Puslu Demokrasi, Etkilesim Yayinlari, 2009, p. 16.

[24] Dilek Zaptcioglu, « Goldenes Kreuz unter der Bluse » [La Croix dorée sous la chemise], Spiegel Online, 17 septembre 2006, http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,437512,00.html.

[25] Briefing ESI : « Turkey's Dark Side. Party Closures, conspiracies and the future of democracy », 2 avril 2008, http://www.esiweb.org/index.php?lang=en&id=156&document_ID=104. Voir également : Sarah Rainsford, « Turkey's nationalist hotbed », BBC, 1er mars 2007, http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/6403813.stm. Sur le nationalisme dans la région de la Mer noire, voir : Radikal, « Papazini vuran kent: Trabzon » [La ville qui tire sur ses prêtres : Trabzon], 19 février 2006, http://www.radikal.com.tr/ek_haber.php?ek=r2&haberno=5559.

[26] Pour une liste des attaques au cours de l'année 2007, voir le rapport préparé par l'Association des Eglises protestantes, http://www.protestankiliseler.org/index.php?option=com_content&view=article&id=1137&Itemid=459.

[27] Acte d'accusation n. 2007/75, Procès Malatya Zirve, p. 5.

[28] Un grand nombre de rapports induisant en erreur ont donné cette première impression d'arrière-plan islamiste. L'un d'entre eux affirmait que « en particulier, c'est la section des dernières phalanges qui a convaincu les observateurs de la motivation religieuse des assassins. Ceux-ci semblent avoir suivi les instructions de la Sourate 8 :12 du Coran, qui dit : « Je ferai régner la terreur dans le cœur des impies. Je leurs écorcherai le cou (avec une épée) et leur frapperai tous les doigts »… La traduction Azhar et Ahmadeyya dit : « couper toutes les dernières phalanges. » » En fait, le rapport d'autopsie a noté qu'aucun doigt n'avait été coupé.  Culture Watch, « Christian Martyrs and the Power of Forgiveness », 1er mai 2007, http://www.billmuehlenberg.com/2007/05/01/christian-martyrs-and-the-power-of-forgiveness/, également ici : http://jmm.aaa.net.au/articles/19604.htm

[29] Gareth Jenkins, « Between Fact and Fantasy », 2009, p. 27.

[30] Documentaire « Malatya », 2009. Site internet: http://malatyafilm.com.

[31] Procès verbal de la 5eaudience du procès, 14 avril 2008, p. 5.

[32] Sabah, « Olume gidiyoruz' diye not biraktilar » [Ils ont laissé une note: « nous allons vers la mort »], 19 avril 2007, http://arsiv.sabah.com.tr/2007/04/19/haber,72F5B52E38DD439C890A042CA1526599.html.

[33] Jusqu'à une date récente, le Document sur la Politique de Sécurité nationale était préparé par le bureau du Chef d'Etat major des armées. Voir : Ahmet Insel et Ali Baramoglu (dir.), Almanac Turkey 2006 – 2008, Security Sector and Democratic Oversight, TESEV, août 2010, p. 97. Gerassimos Karabelias, « Dictating the Upper Tide : Civil-Military Relations in the Post-Ozal Decades 1993-2003 », Turkish Studies, Volume 9, n. 3, septembre 2008, p. 460.

[34] CNN Turk, « Milli Guvenlik Siyaset Belgesi kabul edildi » (Le MGSB a été accepté), 22 novembre 2010, http://www.cnnturk.com/2010/turkiye/11/22/milli.guvenlik.siyaset.belgesi.kabul.edildi/597105.0/index.html. En ce qui concerne le débat autour des Arméniens en Turquie et du rôle du MGK dans le passé proche au sujet de ce débat, voir aussi :

http://www.esiweb.org/index.php?lang=en&id=156&document_ID=108

[36] Ergun Poyraz, Misyonerler Arasinda Alti Ay: Dunden Bugune Hristiyanlik ve Yahudilerin Aanalizi [Six mois parmi les missionnaires], Toplumsal Donusum Yayinlari, Istanbul 2004, p. 11.

[37] Ibid, pp. 32 et 37.

[38] Ses autres livres incluent : Amerika'daki Imam [L'Imam en Amérique] (novembre 2009) sur Fetullah Gulen, Tarikat, Siyaset, Ticaret et Cinayet Masonlarla El Ele (août 2009), Musa'nin Mucahiti (juillet 2007), Kanla Abdest Alanlar (mars 2007), Patlak Ampul (mars 2007), Musa'nin Gulu (2007), Hilafet Ordusundan Arap Kurt Partisine  [De l'Armée du califat au parti arabokurde] (2005).

[39] Refah est devenu le premier parti turc sous le Premier ministre Necmettin Erbakan en 1996. Toutefois, le gouvernement de coalition a été forcé à quitter le pouvoir par l'armée en 1997, car il était suspecté de poursuivre un programme islamiste.

[40] Mustafa Akyol, « The Latest Jewish Conspiracy : ‘Moderate Islam' & AKP », The White Path, 5 mai 2007, http://thewhitepath.com/unveiling-turkey/the_latest_jewish_conspiracy_moderate_islam_akp/.

[41] Le dernier livre de Poyraz, sorti en août 2010, est omniprésent dans les librairies turques en novembre 2010 : Takunyali Fuhrer [Le Fuhrer islamiste], dont la couverture montre Erdogan en Adolf Hitler.

[42] Ergun Poyraz, Misyonerler Arasinda Alti Ay: Dunden Bugune Hristiyanlik ve Yahudilerin Analizi [Six mois parmi les missionnaires], Toplumsal Donusum Yayinlari, Istanbul 2004, p. 31.

[43] Ibid, p. 38.

[44] Ibid, p. 204.

[45] Le Traité de Sèvres, signé par le gouvernement défait de l'Empire ottoman après la Première Guerre mondiale en 1920, prévoyait que l'Anatolie soit divisée entre différents territoires contrôlés par différentes puissances alliées – la Grèce, l'Angleterre, la France et l'Italie – ainsi qu'une grande Arménie indépendante et une région kurde autonome.

[46] Ergun Poyraz, Misyonerler Arasinda Alti Ay : Dunden Bugune Hristiyanlik ve Yahudilerin Analizi [Six mois parmi les missionnaires], Toplumsal Donusum Yayinlari, Istanbul 2004, p. 448.

[47] Mehmet Cetingulec, Misyoner alarmi [Alarme missionnaire], Sabah, 7 décembre 2001, http://arsiv.sabah.com.tr/2001/12/07/p06.html.

[48] Ibid.

[49] Cité in Gamze Avci, « Turkey's Slow EU Candidacy: Insurmountable Hurdles to Membership or Simple Euro-skepticism? » Turkish Studies, p. 164.

[50] Toplumsal Donusum Yayinlari [Les éditions de la transformation sociale]. Son propriétaire, Durmus Ali Ozoglu, a été mis en examen en mars 2009 dans le cadre de l'enquête sur Ergenekon et accusé d'avoir produit du matériel de propagande au profit d'Ergenekon (second acte d'accusation Ergenekon, p. 1569 ff). Ozoglu était également porte-parole de l'ultranationaliste Association des forces nationales (Kuvva-i Milliye Dernegi ou KMD). Pour devenir membre de la KMD, qui comprenait des cellules partout dans le pays, les futurs membres devaient prêter serment : « Nous sommes prêts à mourir, à tuer et à être tués pour notre cause. » La majorité de ses cadres, pour la plupart d'anciens militaires, furent arrêtés et mis en examen dans le cadre de l'enquête Ergenekon en 2008.

[51] Chambre de commerce d'Ankara (ATO), « ATO'dan ‘Misyonerlik' Raporu » [Rapport sur les missionnaires de l'ATO], 5 juin 2004, http://www.atonet.org.tr/yeni/index.php?p=189&l=1.

[52] Ibid.

[53] Ibid. Le rapport explique également que la communauté chrétienne contrôle « plus de 300 églises, un grand nombre de librairies, une bibliothèque, six journaux, des dizaines de fondations et de maisons d'édition, cinq stations de radio, de nombreux monastères, deux cafés, une agence, sept entreprises, un hôtel, une agence de traduction, sept quotidiens, un bâtiment historique, quatre ruines, une forteresse, et des dizaines d'associations. »

[54] Ilker Cinar sur Flash TV en février 2005 ; cité in Kai Strittmatter, « Falscher Christ wollte die Turkei retten » [Un faux chrétien voulait sauver la Turquie], Tagesanzeiger, 16 juin 2008, http://sc.tagesanzeiger.ch/dyn/news/ausland/890253.html.

[55] Premier acte d'accusation Ergenekon, pp. 683, 684.

[56] Premier acte d'accusation Ergenekon, p. 667.

[57] Tels que le porte-parole de l'Eglise orthodoxe de Turquie, Sevgi Erenorol, l'avocat ultranationaliste Kemal Kereincsiz et le général à la retraite Veli Kucuk, qui compte parmi les fondateurs présumés de JITEM

[58] Deuxième acte d'accusation Ergenekon, p. 1063.

[59] Deuxième acte d'accusation Ergenekon, p. 626.

[60] Troisième acte d'accusation Ergenekon, p. 626.

[61] Voir également Ilker Cinar, Ben bir misyonerdim, sifre cozuldu, Ozan Yayincilik, 2005.

[62] Malatya Aktuel, « Malatya'nin Nufusu Azalmis » [Chute de la population de Malatya], 21 janvier 2008, http://www.malatyaaktuel.com/inx/haber-3897-Malatya_nin_Nufusu_Azalmis.html

[63] Comme l'a rapporté Hosrof Koletavitoglu de l'Association des Arméniens de Malatya à Agos en Octobre 2010, la région était autrefois désignée comme la « petite Arménie ».

[64] Sahag Guryan, « Malatyali Ermeniler Dernegi kuruldu » [L'Association des Arméniens de Malatya est fondée], AGOS, 29 octobre 2010, p. 18.

[65] Jonathan Carswell et Joanna Wright, « Susanne Geske : Ich will keine Rache, das Drama von Malatya » [Susanne Geske : Je ne cherche pas la vengeance], Brunnen Verlag, 2008, p. 40.

[66] Ibid, p. 60.

[67] « Die Fremden » [Les étrangers], Berliner Tageszeitung, 29 juin 2007, http://www.berlinonline.de/berliner-zeitung/archiv/.bin/dump.fcgi/2007/0629/seite3/0001/index.html.

[68] Le nom de ce missionnaire est Martin de Lange. Jonathan Carswell et Joanna Wright, « Susanne Geske : Ich will keine Rache, das Drama von Malatya » [Susanne Geske : Je ne cherche pas la vengeance], Brunnen Verlag, 2008, p. 74.

[69] Wolfgang Hade, « Mein Schwager – ein Martyrer ; eine Geschichte des turkischen Christen Necati Aydin [Mon beau-frère – ce martyre ; l'histoire du Turc chrétien Necati Aydin], Neufeld Verlag, 2009, p. 92.

[70] Ibid, p 35. Hade vit à Izmit près d'Istanbul.

[71] Ibid, p. 54.

[72] Ibid, p. 81. Voir également« Subat 2005'te Hedef Gosterildiler » [En février 2005 on les a désignés comme cibles], bianet,19 avril 2007, http://www.bianet.org/bianet/insan-haklari/94780-subat-2005te-hedef-gosterildiler.

[73] « Provokator Dun Malatya'daydi » [Le provocateur était hier à Malatya], Milliyet,19 avril 2007, http://www.milliyet.com.tr/2007/04/19/guncel/agun.html.

[74] Ibid.

[75] « Malatya Katliami Azmettiricisini Ariyor » [On recherche toujours l'instigateur du crime de Malatya crime], Hurriyet, 8 juin 2008, http://www.hurriyet.com.tr/pazar/9125156.asp.

[76] Le responsable du bureau de Kayra à Malatya, Martin de Lange, n'a pas été autorisé à prolonger son permis de travail en 2005 et s'en est retourné en Afrique du Sud. Alors qu'il voulait revenir à Malatya pour assister aux funérailles des trois missionnaires assassinés en avril 2007, il s'est rendu compte que son nom avait été placé sur liste noire. « South Africa : Barred Pastor : Church Complains », Aksie 1:8, 24 avril 2007, http://www.aksie18.co.za/pdf/turkye_moorde.pdf.

[77] Wolfgang Hade, Mein Schwager – ein Martyrer : eine Geschichte des turkischen Christen Necati Aydin [Mon beau-frère – ce martyre ; l'histoire du Turc chrétien Necati Aydin], Neufeld Verlag, 2009, pp. 64-65.

[78] Ibid, p. 86.

[79] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 5.

[80] Mustafa Gunaydin, Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 3.

[81] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 4.

[82] La ville en question est Dogansehir. Comme la famille d'Emre est également originaire de Dogansehir, Salih connaissait Emre depuis plusieurs années. Procès-verbal de la 5e audience, 14 avril 2008, p. 15.

[83] Procès-verbal de la 2e audience, 14 janvier 2008, p. 9.

[84] Journal Malatya Birlik

[85] Acte d'accusation de Malatya, p. 6.

[86] Acte d'accusation de Malatya, p. 7.

[87] Acte d'accusation de Malatya, p. 8.

[88] Procès-verbal de la 5e  audience, 14 avril 2008, p. 15.

[89] Acte d'accusation de Malatya, p. 8.

[90] Abuzer Yildirim a également déclaré aux procureurs : « En mars, Emre m'a dit qu'il avait eu des informations de quelqu'un qui était venu au gymnase et qui avait écrit un rapport pour l'Etat sur les alévis, les missionnaires et le Christianisme. Il a dit que son nom était Ruhi. Alors, j'ai plaisanté en distant que c'était sûrement Ruhi le fou de la série télé Hayat, mais Emre a répondu : « non, il s'appelle Ruhi Polat. » Ruhi Polat était un membre de la direction provinciale du MHP à Malatya. On a appris plus tard que Polat et Emre s'étaient aussi parlé au téléphone plusieurs mois avant le meurtre  (Procès-verbal de la 9e audience, p. 14).

[91] Acte d'accusation de Malatya, p. 26-27.

[92] Acte d'accusation de Malatya, p. 16.

[93] Acte d'accusation de Malatya, p. 9.

[94] Le procès-verbal du tribunal désigne le président du tribunal par l'appellation « baskan » (président, chef) et les autres juges par « uye » (membres).

[95] Acte d'accusation de Malatya, p. 36.

[96] Acte d'accusation de Malatya, p. 41.

[97] Acte d'accusation de Malatya, p. 2.

[98] Acte d'accusation de Malatya, pp. 2-5.

[99] Acte d'accusation de Malatya, pp. 43-44.

[100] Acte d'accusation de Malatya, p. 32.

[101] Acte d'accusation de Malatya, p. 14.

[102] Acte d'accusation de Malatya, p. 44.

[103] Les avocats étaient Ibrahim Kali, Oya Aydin, Murat Dincer, Ali Koc, Ergin Cinmen, Orhan Kemal Cengiz, Nalan Erken, Abdulkaidr Gulec, Sezgin Tanrikulu, Tahir Elci, Ozkan Dogan, Fethiye Cetin, Ismail Cem Halavurdu, Hafize Cobanoglu, Erdal Dogan, Serhat Eren, Ayse Batumlu. Selon les articles 236 et 237 du code pénal turc, toute personne victime d'un crime peut se joindre au procès comme co-plaignante en ce qui concerne le versant civil des réclamations de dommages et intérêts. Voir : http://www.justice.gov.tr/basiclaws/Criminal_Code.pdf.

[105] Site Internet de l'Association des Eglises Protestantes (Turquie) http://www.protestankiliseler.org/.

[106] Orhan Kemal Cengiz, « Rights Violations Experienced by Protestants in Turkey Evaluated in Light of Human Rights Law », publié par l'Association des Eglises protestantes (Turquie), 2002.

[107] Voir Orhan Kemal Cengiz, Turkey and the World Around It, Liberte Publishing, juillet 2008, p. v-vi.

[108] Site Internet de l'Association Human Rights Agenda http://www.rightsagenda.org/index.html.

[109] Pour une compilation de ses articles voir Orhan Kemal Cengiz : « Turkey and the world around it – from a democracy and human rights perspective », 2008. Cengiz écrit un éditorial régulier dans la publication en  anglais : Today's Zaman. www.todayszaman.com Tous ses articles se trouvent sur sa page Facebook.

[111] Orhan Kemal Cengiz, « Culture of Fear, Hate and Denial – Santoro, Dink, Malatya », Association Human Rights Agenda, 11 mai 2007, http://www.rightsagenda.org/index.php?option=com_content&view=article&id=280:aliasculture-of-fear-hate-and-denial-santoro-dink-malatya&catid=79:aliasdiscrimination&Itemid=118.

[112] Orhan Kemal Cengiz, « What is going on in the Malatya Massacre Case? », Association Human Rights Agenda, 22 novembre 2007; http://www.rightsagenda.org/index.php?option=com_content&view=article&id=283:aliaswhat-is-going-on-in-the-malatya-massacre-case&catid=79:aliasdiscrimination&Itemid=118.

[113] Reportage réalisé par ESI avec Erdal Dogan, 6 août 2010.

[114]« Court Seeks Help to Link Murders in Turkey to ‘Deep State' », Compass Direct, 17 novembre 2009, http://www.compassdirect.org/english/country/turkey/11771/.

[115] Procès-verbal de la 7e audience, 12 mai 2008, p. 9.

[116] Acte d'accusation de Malatya, p. 9.

[117] Procès-verbal de la 5e audience, 14 avril 2008, p. 11.

[118] Procès-verbal de la 5eaudience, 14 avril 2008, pp. 16-17.

[119] Procès-verbal de la 5e audience, 14 avril 2008, p. 16.

[120] Procès-verbal de la 5e audience, 14 avril 2008, p. 3.

[121] Procès-verbal de la 5e audience, 14 avril 2008, p. 5.

[122] Acte d'accusation de Malatya, pp. 11-12.

[123] Procès-verbal de la 5eaudience, 14 avril 2008, p. 2.

[124] Procès-verbal de la 2e  audience, 14 janvier 2008, p. 12.

[125] Procès-verbal de la 5e  audience, 14 April 2008, p. 13.

[126] Procès-verbal de la 5e  audience, 14 avril 2008, p. 15.

[127] Procès-verbal de la 5e  audience, 14 avril 2008, p. 3.

[128] Procès-verbal de la 5e  audience, 14 janvier 2008, p. 12.

[129] « Malatya Murders : More People Involved? », Bianet, 16 janvier 2008, http://www.bianet.org/english/english/104194-malatya-murders-more-people-involved.

[130] Procès-verbal de la 5eaudience, 14 avril 2008, p. 15.

[131] « Sedat Peker'e 14 yıl » [14 ans pour Sedat Peker], Sabah, 31 janvier 2007, http://arsiv.sabah.com.tr/2007/01/31/gun107.html.

[132] Un grand nombre de livres ont été écrits sur Peker. En 2004 Hakan Turk a publié Sedat Peker Kimdir? [Qui est Sedat Peker ?]. En 2006 a été publié Aynadaki Reis/Sedat Peker'in Siradisi Yasami [Le chef dans le miroir / La vie extraordinaire de Sedat Peker]. En 2005, alors qu'il était en procès, il est devenu président du club de football d'Antalyaspor.

[133] Acte d'accusation de Malatya, p. 12.

[134] Procès-verbal de la 5eaudience, 14 avril 2008, p. 9.

[135] Prison d'Elbistan à Kahramanmaras.

[136] Portail du site d'Ulku Ocaklari, http://www.ulkuocaklari.org.tr/.

[137] Lettre de Metin Dogan au procureur public de Malatya, 5 février 2008.

[138] Coskun avait participé aux manifestations contre la maison d'édition chrétienne Kayra à Malatya.

[139] Umut Sahin de l'Association des Eglises protestantes a confié à ESI que selon le missionnaire Martin de Lange, le converti Huseyin Yelki (voir la distribution en début de rapport) avait parfois utilisé le nom d'Adnan lorqu'il répondait au téléphone dans les locaux de Zirve. Interview réalisée par ESI, 5 octobre 2010. Martin de Lange a travaillé entre 2003 et 2005 avec Huseyin Yelki au bureau de Kayra à Malatya.

[140] Lettre de Metin Dogan, 5 février 2008 ; Dogan a également expliqué au tribunal pourquoi il ne s'était pas manifesté plus tôt : « la ferme de mon parent Abdullah Suluk a été par deux fois la cible de tirs à cause du meurtre de la maison d'édition Zirve…. Il y a encore des fenêtres cassées et des douilles sur le sol de balles qui ont atteint les murs et les portes… Leur unique but est de menacer. La raison tient au fait qu'Abdullah Suluk qui est mon parent me protège et je suis dans la cellule voisine de la sienne. » Abdullah Suluk était l'un des noms les plus célèbres des guerres mafieuses en Turquie dans les années 1990. Hurriyet l'a appelé « parrain de la mafia » en 1998. Hurriyet, « Olum Ucgeninde Kelepceli Infaz » [Exécution menottée dans le triangle de la mort], 14 août 1998. Milliyet l'a surnommé « machine de mort » en 1999. Milliyet, « Olum Makinesinin Cezasi Onandi » [approbation de la sentence contre la machine de mort], 4 avril 1999. http://www.milliyet.com.tr/1999/04/04/haber/hab09.html. Il a été impliqué dans quatorze meurtres et dans de nombreuses affaires de coups et blessures. Il a été condamné à mort en 1998. La sentence a par la suite été commuée en peine de prison à vie. http://webarsiv.hurriyet.com.tr/1998/08/14/61028.asp.

[141] Procès-verbal de la 7e audience, 12 mais 2008, p. 11.

[142] Procès-verbal de la 8e audience, 9 juin 2008, p. 10.

[143] Procès-verbal de la 9e audience, 4 juillet 2008, p. 6.

[144] La colline Santral est située à 4 km au nord-est du centre de Malatya.

[145] Procès-verbal de la 9e audience, 4 juillet 2008, pp. 6-7.

[146] Procès-verbal de la 9eaudience, 4 juillet 2008, p. 7.

[147] Procès-verbal de la 9e audience, 4 juillet 2008, p. 9.

[148] Procès-verbal de la 9e audience, 4 juillet 2008, p. 9.

[149] Procès-verbal de la 9e audience, 4 juillet 2008, p. 8.

[150] Interview réalisée par ESI avec Umut Sahin, Association des Eglises protestantes, Ankara, 5 octobre 2010.

[151] « Eski Milletvekili Durhan Hakkindaki Iddialari Reddetti » [L'ancien député Durhan dénonce les allégations contre lui], Ankara Haber Ajansi, 14 mai 2008, http://www.haberler.com/eski-milletvekili-durhan-hakkindaki-iddialari-haberi/.

[152] Acte d'accusation de Malatya, p. 6.

[153] Procès-verbal de la 7e audience, 12 mai 2008, p. 8.

[154] Procès-verbal de la 12eaudience, 16 octobre 2008, p. 1.

[155] Procès-verbal de la 12e audience, 16 octobre 2008, p. 2.

[156] Procès-verbal de la 12e audience, 16 octobre 2008, p. 4.

[157] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 2.

[158] Procès-verbal de la 12e audience, 16 octobre 2008, pp. 1-2.

[159] Procès-verbal de la 12e audience, 16 octobre 2008, p. 4.

[160] Procès-verbal de la 12e audience, 16 octobre 2008, p. 3.

[161] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 6.

[162] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 6.

[163] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, pp. 5, 6.

[164] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 6.

[165] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 6.

[166] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 6.

[167] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 6

[168] « Aral Tutuklandi, Zirve Davasi ‘Ergenekon'a Dogru » [Aral arrêté, le procès Zirve s'oriente vers Ergenekon], Bianet, 5 février 2009, http://bianet.org/bianet/azinliklar/112361-aral-tutuklandi-zirve-davasi-ergenekona-dogru.

[169] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 1.

[170] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 7.

[171] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, p. 8.

[172] Acte d'accusation visant Varol Bulent Aral et Huseyin Yelki, pp. 7-8.

[173] Procès-verbal de la 17e audience, 21 mai 2009, p. 1.

[174] « Efforts to Tie Malatya Murders to ‘Deep State' Fizzle in Turkey – Alleged ring-leader retracts testimony implicating suspected link to ‘masterminds' », Compass Direct, 28 mai 2009, http://www.compassdirect.org/english/country/turkey/4067/.

[175] Procès-verbal de la 17e audience, 21 mai 2009, p. 9.

[176] Procès-verbal de la 20e audience, 21 août 2009, p. 5.

[177] Procès-verbal de la 20e  audience, 21 août 2009, p. 5.

[178] Acte d'accusation de Malatya, p. 6.

[179] Inonu Universitesi Stratejik Arastirmalar Merkezi, INUSAM. Le centre est décrit dans son règlement intérieur : http://www.inonu.edu.tr/baglanti.php?sayfa=arsmerklink.

[180] Jusqu'à 2009, l'Association des Eglises protestantes a utilisé le nom « Alliance » des Eglises protestantes.

[181] E-mail anonyme à l'Association des Eglises protestantes, été 2007.

[182] Procès-verbal de la 7eaudience, 12 mai 2008, p. 10.

[183] Procès-verbal de la 16eaudience, 13 avril 2009, p. 4.

[184] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 11.

[185] La fondation apparaît comme maison d'édition à la fin des années 1990. Elle n'a pas de site Internet propre.

[186] Sukru Uslu, Suayip Ozdemir, Yusuf Benli, Hamdi Onay, Hulusi Arslan et Ahmet Sinanoglu.

[187] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, pp. 11-12.

[188] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 10.

[189] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, pp. 10-13.

[190] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 11; Fatih Hilmioglu, le président le l'Université de Malatya, entretenait des contacts avec le général Eruygur [voir la Distribution]. Tous les deux sont mis en examen dans le procès Ergenekon.

[191] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 10.

[192] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 10.

[193] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 15.

[194] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 15.

[195] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 15. Le tribunal a ordonné à la police d'enquêter sur les conversations téléphoniques entre Ruhi Abata et la gendarmerie de Malatya (Mehmet Ulger).

[196] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 15.

[197] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 14. A propos du rôle de la gendarmerie, l'éditorialiste Ali Bayramoglu a écrit : « A la suite du 28 février [1997], l'armée s'est emparée de postes traditionnellement occupés par la police et les préfets. La gendarmerie s'est déplacée des zones rurales aux zones urbaines. Les Unités d'assistance pour l'ordre et la sécurité (Emniyet Asayis Yardimlasma Birlikleri, EMASYA) ont obtenu des pouvoirs surpassant ceux du préfet. Une structure dédiée à la sûreté intérieure a été mise en place, qui définit la société elle-même comme la plus grande menace… De plus, les activités de renseignements ne devraient pas être entre les mains de l'armée. Aujourd'hui, c'est la bureaucratie militaire qui définit les menaces, c'est l'armée qui s'occupe du renseignement et évalue les incidents, et elle fonde toutes ses conclusions sur des documents de sûreté intérieure, et non pas sur des critères légaux. » Cité in  Almanac Turkey 2005 – Security Sector and Democratic Oversight , DCAF-TESEV Series in Security Sector Studies, septembre 2006.

[198] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 16.

[199] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 14.

[200] Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 16.

[201] En décembre 2009, il purge une peine de vingt-neuf ans de prison pour attaque à main armée et possession illégale d'armes à feu et de matériaux dangereux. Malatya Guncel, « Veysel Sahin'e ceza yagdi », 15 décembre 2009, http://www.malatyaguncel.com/news_detail.php?id=33677&uniq_id=1289319512.

[202] Le Front des Turkmènes irakiens est le plus important parti de la minorité turkmène (turque) d'Irak.

[203] Lettre des avocats aux familles des victimes, envoyée le 15 avril 2010 au tribunal de Malatya, p. 4.

[204] Sahin a déposé devant les procureurs le 3 décembre 2008 ; cité dans la lettre adressée par les avocats des familles des victimes au président de la troisième chambre correctionnelle de Malatya, p. 4.

[205] Lettre des avocats des familles des victimes, envoyée le 15 avril 2010 au tribunal de Malatya, p. 4.

[206] Lettre des avocats des familles des victimes, envoyée le 15 avril 2010 au tribunal de Malatya, p. 4.

[207] Ulger a déclaré devant le tribunal: « Veysel Sahin avait un casier judiciaire, pour avoir fabriqué de faux documents et commis d'autres cries. Il n'est pas une personne digne de confiance…. Lorsqu'il a été arrêté, il m'a envoyé un message : « Si je ne sors pas avant 40 jours, je vous tiendrai responsable. » Procès-verbal de la 16e audience, 13 avril 2009, p. 14.

[208] Dans une lettre du 22 novembre 2010 au tribunal de Malatya, la gendarmerie de Kayseri a confirmé avoir organisé un séminaire les 25-26 mai 2006 sur « les activités excessives des mouvements d'extrême droite et des missionnaires », à laquelle aurait aussi participé le chef de la gendarmerie de Malatya Mehmet Ulger (30eaudience de Malatya, 3 décembre 2010 ; la lettre est inclue dans les documents du procès).

[209] Des liens supplémentaires entre la gendarmerie et l'université de Malatya ont été révélés lorsque Mehmet Colak, qui travaillait pour l'unité de renseignement de la gendarmerie, a témoigné devant le tribunal : il avait parlé à quarante reprises à Ruhi Abat (17eaudience, 21 mai 2009).

[210] Erdal Dogan a présenté des exemples de versements et les preuves attenantes lors d'une audience du 19 février 2010.

[211] L'avocat Erdal Dogan dans un mél envoyé à ESI le 3 novembre 2010.

[212] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 2.

[213] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 2.

[214] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 3.

[215] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 6.

[216] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 7.

[217] Levent Ersoz est un ancien commandant de gendarmerie basé à Sirnak et Diyarbakir comme chef de JITEM entre 2002 et 2004.

[218] Ahmet Insel et Ali Baramoglu (dir.), Almanac Turkey 2006 – 2008, Security Sector and Democratic Oversight, TESEV, août 2010, p. 182.

[219] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 5.

[220] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 5.

[221] Today's Zaman, « Witness in Malatya murders case says he worked for JITEM », 13 octobre 2010, http://www.todayszaman.com/tz-web/news-224254-witness-in-malatya-murders-case-says-he-worked-for-JITEM.html.

[222] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 3.

[223] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 4.

[224] Procès-verbal de la 29eaudience, 15 octobre 2010, p. 4.

[225] « Gundemi sarsacak sok aciklama » [Des déclarations fracassantes qui vont faire bouger les choses], Bugun, 15 octobre 2010, http://www.bugun.com.tr/haber-detay/123103-gundemi-sarsacak-sok-aciklama-haberi.aspx.

[226] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 4.

[227] Procès-verbal de la 29e audience, 15 octobre 2010, p. 6.

[228] Dogan Gures était le Chef d'état major des armées et Teoman Koman Commandant en chef de la gendarmerie. , Almanac 2005 – Security Sector and Democratic Oversight, TESEV, p. 175.

[229] , Almanac 2005 – Security Sector and Democratic Oversight, TESEV,p. 178.

[230] Safile Usul, « Veli Kucuk bana iskence yapti » [Veli Kucuk m'a torturé], gazeteport, 8 septembre 2008, http://arsiv.gazeteport.com.tr/NEWS/GP_280409?WebsiteSearch=true. Plus sur Murat Belge ici : Turkey - Istanbul:Truth, fear and hope.

[231] Nese Dusel, Taraf, 27 janvier 2009.

[232] Association des Eglises protestantes, Rapport 2009 sur les violations des droits de l'homme, 30 janvier 2010, http://www.protestankiliseler.org/index.php?option=com_content&view=article&id=1153&Itemid=471.

[233] Association des Eglises protestantes, Rapport 2007 sur les violations des droits de l'homme, janvier 2008,  http://www.protestankiliseler.org/index.php?option=com_content&view=article&id=1137&Itemid=459.

[234] Association des Eglises protestantes, Rapport 2008 sur les violations des droits de l'homme, janvier 2009, http://www.protestankiliseler.org/index.php?option=com_content&view=article&id=1138&Itemid=460.

[235] Association des Eglises protestantes, Rapport 2009 sur les violations des droits de l'homme, 30 janvier 2010. Luigi Padovese, un évêque catholique, a été poignardé et tué dans le port méditerranéen d'Iskenderun en juin 2010.

[236] Association des Eglises protestantes, conférence de presse, Ankara, 5 octobre 2010.

[237] Sur les parallèles entre le meurtre de Padovese en 2010 et les précédentes affaires, voir aussi l´interview réalisé par ESI avec l'avocat Erdal Dogan dans l'hebdomadaire turc Agos : Funda Tosun, « Asil plan Papa'nin oldurulmesi miydi? », AGOS Nr 24, 18 juin 2010. Une traduction anglaise est disponible ici : http://www.esiweb.org/pdf/Turkey%20-%20AGOS%2018%20June%202010%20Dogan%20on%20Padovese.pdf.

[238] Hafize Cobanoglu, Nalan Erkem, Murat Dincer, Ali Riza Kilic, Orhan Kemal Cengiz, Ozkan Yucel, Erdal Dogan, Ali Koc, Ismail Cem Halavut.

[239] Lettre des avocats des familles des victimes, envoyée le 15 avril 2010 au tribunal de Malatya, p. 22.

[240] Orhan Kemal Cengiz, « Why will unsolved murders remain unsolved? », Today's Zaman, 31 décembre 2010, http://www.todayszaman.com/columnist-231121-why-will-unsolved-murders-remain-unsolved.html.